A l'occasion du 3ème sommet mondial des matières premières, une quarantaine de militant-e-s se sont réuni-e-s devant le siège de Cargill pour un Flash Mob pour dénoncer les spéculations sur les matières premières, en particulier sur les denrées alimentaires.
Intervention de Melik Özden, Directeur du CETIM, lors de Flash Mob devant le siège de Cargill à l'occasion du 3ème sommet mondial des matières premières, Genève, le 31 mars 2014
1) Dans une étude pluridisciplinaire publiée en 2011, trois chercheurs de l'Institut fédéral de technologie de Zurich sont arrivés à la conclusion suivante: 737 sociétés transnationales contrôlent, à travers de denses et complexes réseaux tissés au niveau mondial, 80% des valeurs de l'ensemble des sociétés transnationales et que 147 d'entre elles (qualifiées de « super-entity » par ces chercheurs) en contrôlent 40%.
1) Cela signifie que quelques centaines de sociétés transnationales contrôlent au niveau mondial l'essentiel de la production et la commercialisation des biens et des services. Cette position leur confère un pouvoir sans précédent dans l'histoire. Cargill fait partie de ces entités.
2)
Les principaux problèmes posés par la plupart des sociétés transnationales sont bien connus: le non respect des législations sur le travail, l'environnement, les droits humains, la fiscalité et l'ignorance délibérée des besoins des populations locales. Elles n'ont pas de structures démocratiques et ne sont pas transparentes. Par définition, les sociétés transnationales sont des entités qui défendent des intérêts particuliers (surtout ceux d'une poignée d'actionnaires majoritaires) et non pas l'intérêt général. De plus, elles recourent à des montages complexes pour échapper en particulier aux mesures fiscales et à leurs responsabilités lorsqu'elles sont impliquées (directement ou indirectement) dans des violations des droits humains.
Partout et nulle part (juridiquement parlant), les sociétés transnationales, avec des montages complexes, sont devenues des entités insaisissables. Elles ont accentué leur main-mise sur les ressources naturelles de la planète et influencent les politiques des gouvernements. Directement ou indirectement, elles portent une énorme responsabilité dans la détérioration de l’environnement et dans l’accroissement des violations massives des droits humains. Elles échappent totalement à tout contrôle démocratique et juridique. Elles minent ainsi les fondements même de la démocratie.
Que faire?
Depuis près de 40 ans, les codes de conduite volontaire, adoptés par des sociétés transnationales elles-mêmes et par quelques institutions internationales, ont démontré leur totale inefficacité. C'est pourquoi, les gouvernements doivent adapter leurs législations et se donner les moyens nécessaires pour surveiller de près les activités des sociétés transnationales afin que ces dernières respectent l'Etat de droit et les droits des peuples à décider de leur avenir et de leurs politiques de développement. Il n'est pas normal ni tolérable que ces entités jouissent de l'impunité que cela soit pour des crimes ou violations des droits humains commis, des fraudes fiscales ou des dégâts causés à l'environnement. Les gouvernements doivent être conscients que, en dernier ressort, ce sont eux qui sont responsables de toute violation commise, y compris par des tiers, sur leur territoire. Ils ont donc l'obligation de protéger leurs populations et ils ne peuvent pas rester bras croisés face aux agissement délictueux des sociétés transnationales.
Vu les caractéristiques de ces entités, les mesures prises au niveau national doivent être accompagnées par l'adoption des normes contraignantes à l'échelle internationale. Récemment, une démarche dans ce sens a été lancée par 85 Etats au sein de l'ONU. Cette démarche doit être soutenue fortement par tous les mouvements sociaux et organisations de la société civile.
1) Quant à la Suisse, elle a une responsabilité particulière, étant donné la densité des sièges des sociétés transnationales basées sur son territoire. La campagne « Droit sans frontières » qui exige le respect des droits humains et de l’environnement partout dans le monde par les sociétés transnationales basées ou opérant depuis la Suisse n'a malheureusement pas obtenu le résultat escompté. Les autorités fédérales ont en quelque sorte ignoré les 135'000 signatures récoltées l'année dernière. En effet, la législation suisse ne permet toujours pas la poursuite en justice des responsables des sociétés transnationales pour les crimes ou violations des droits humains commis à l'étranger. Il faudra peut-être d'autres formes de lutte telles que des initiatives parlementaires ou populaires, voire des voies judiciaires.
2) Je vous remercie de votre attention.
Pour en savoir plus :
Sociétés transnationales et droits humains, éd. CETIM, mars 2006, http://www.cetim.ch/fr/publications_stn-bro2.php
Sociétés transnationales : acteurs majeurs dans les violations des droits humains, éd. CETIM, décembre 2011, http://www.cetim.ch/fr/publications_cahiers.php#stn
Bulletin n° 43 du CETIM, août 2012, http://www.cetim.ch/fr/publications_bull.php
Interview de Madame Valentina Hemmeler Maïga, Uniterre
Cargill co-acteur de la spéculation financière mais aussi destructeur de l’agriculture paysanne
Flashmob 31 mars 2014-Cargill Genève
Cargill la plus grande entreprise formée par des capitaux privés aux Etats-Unis. Elle agit dans presque tous les segments de la chaine agro-alimentaire industrielle. Elle est un des principaux leaders dans l’achat des céréales, de leur transformation, et de leur distribution. Elle est aussi leader dans la transformation du soja et dans la manufacture d’ingrédients alimentaires. CARGILL abuse de sa position dominante dans le commerce agricole mondial afin de faire une pression énorme sur les prix aux producteurs.
Les firmes transnationales qui contrôlent le commerce des matières premières agricoles – Cargill, Louis Dreyfus, Archer Daniels Midland et Bunge concentrent plus de 90% du commerce mondial céréalier – ont à leur tour créé des filiales financières pour spéculer sur ces marchés.
Les marchés à terme des matières premières sont désormais dominés par les spéculateurs. Leur part sur ces marchés est passée de 12% à 61% entre 1996 et 2011. Alors que le premier fonds indiciel sur les matières premières a été créé au début des années 1990, leur nombre a fortement augmenté au cours des années 2000 et leur volume financier est passé de 13 à 320 milliards de dollars entre 2002 et 2010.
En 2008, au plein coeur de la crise alimentaire, CARGILL a annoncé des profits de plus de 4 milliards de dollars augmentant ses profits de plus de 80%.
Cargill et la durabilité
CARGILL est impliquée dans la « round table for responsible soy » et d’autres initiatives similaires de « green washing ». Plutôt que de promouvoir des méthodes de production durable, cette « roundtable/table ronde » légitime en fait l’existence de pratique de production socialement et environnementalement destructrices.
Cargill et l’accaparement des terres
Le gouvernement colombien a activement favorisé l’accaparement des terres par des grandes entreprises, dont beaucoup sont étrangères afin de promouvoir une agro-industrie orientée vers l’exportation au détriment d’une agriculture familiale orientée vers la souveraineté alimentaire.
Cargill aurait acquis illégalement plus de 50.000 hectares de terres destinées à de petits paysans en Colombie. Cargill se serait affranchie des limites maximales de surfaces que peut acquérir un propriétaire et aurait acheté, entre 2010 et 2012, quelque 52.576 ha via 36 sociétés différentes dans la région de Vichada
En Colombie, 40 % du territoire se trouve d'une façon ou d'une autre sous contrat avec des multinationales, que ce soit pour l'agriculture, les biocarburants ou l'industrie minière.
La Nouvelle Alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition, est un partenariat entre le G8, plusieurs gouvernements africains, des multinationales et quelques entreprises nationales. La terre est l’une des grandes priorités de Cargill et des autres entreprises agroalimentaires qui ont des visées sur l’Afrique. C’est la raison pour laquelle de thème revient si souvent dans les cadres de coopération de la Nouvelle Alliance du G8.
Cargill a acquis 5% du premier producteur agricole ukrainien, Ukrlandfarming (ULF), comptant accroître les exportations vers la Chine de céréales de cette ex-république soviétique aux "terres noires" très fertiles. Cette coopération doit notamment prendre la forme d'un "soutien mutuel" en vue d'exporter vers les pays asiatiques, "y compris la Chine", est-il ajouté. La production agricole de l'Ukraine aux fertiles "terres noires", qui en ont longtemps fait le grenier à blé de l'Europe, est de plus en plus convoitée au-delà du seul Vieux Continent, notamment en Asie.
Cargill et le lait
Des investisseurs financiers et des grandes entreprises laitières unissent leurs forces pour mettre en place des méga-fermes laitières dans tout les pays du Sud.
Le fonds d’investissements spéculatifs de Cargill (Black river) consacre actuellement 300 millions de dollars à des fermes laitières industrielles en Chine et en Inde. Rich Gammill, le directeur général de Black River, affirme que les fermes coûteront environ 35 millions d’USD chacune et «fonctionneront avec 5 000 à 8 000 vaches dans des zones où la production laitière repose essentiellement sur des petits paysans.» «Nous sommes habitués à une production alimentaire efficace aux États-Unis», explique R. Gamill. «Mais en Chine et en Inde, une bonne partie de cette production repose sur de petits paysans. Il ne s’agit pas d’un système optimisé ou efficace et il ne peut offrir de solution durable pour satisfaire la demande.
La plus grande coopérative laitière du monde, Fonterra, construit des fermes en Chine, en Inde et au Brésil à une échelle qu'elle n’aurait jamais pu se permettre dans son pays d'origine, la Nouvelle-Zélande.
Au Vietnam, une banque est en train de faire construire une ferme de 137’000 vaches.
Cargill, a elle aussi l'intention d'entrer sur le secteur laitier indien. En 2010, Cargill a annoncé qu'il allait investir dans des fermes laitières en Chine et en Inde, par le biais de son fonds de couverture, Black River Asset Management. Ensuite en 2012, la filiale de Black River, Cargill Ventures, a réalisé son premier investissement dans le secteur laitier indien : elle a investi 15 millions de dollars US (800 millions de roupies indiennes) dans Dodla Dairy dont le siège est aussi en Andhra Pradesh, à Nellore. Dodla avait reçu initialement un financement d'un fonds de capital investissement privé indien, Ventureast.
Cargill et les pays en ruine
Cargill comme d’autres grands groupes investis les pays au sortir des guerres comme l’Afghanistan, ou après des catastrophes naturelles, Haïti…
Valentina Hemmeler Maïga, Uniterre
www.uniterre.ch