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Ma carte d’identité est mon avenir

Je partage avec vous l’entretien que Sylvain Thèoz à fait pour Causes Communes, bimestriel des Socialistes de la Ville de Genève, Merci à Sylvain pour ce beau travail.

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Ma carte d’identité est mon avenir

 

Entretien Sylvain Thévoz

Si quelqu’un pense ne pas connaitre Demir Sönmez, il est assuré pourtant de l’avoir déjà vu quelque part. Camarade de toutes les manifestations, accompagné toujours de son appareil photo ; figure de toutes les luttes sociales et pour les droits humains, l’épicentre de son engagement se trouve à la place des Nations, mais il vient de loin. Qui est-il vraiment ?

Je retrouve Demir pour que l’on partage un repas, son histoire. Généreux, passionné, Demir est né en 1960 à Erzurum, ancienne capitale d’Arménie. Sa date exacte de naissance, il ne la connaît pas. Sa carte d’identité suisse annonce un énigmatique 00.00. Âgé de deux ans, on lui détecte une tuberculose. Le médecin annonce, péremptoire : celui-là n’a aucune chance de survivre. sa grande-mèrel’emmène alors à Ankara. Il y grandit. Son père est orgine arménien, sa mère kurde, mais le génocide de 1915 a été caché et le père de Demir ne lui dira qu’à 50 ans qu’il est arménien, pour protéger la famille de la répression. Dès son adolescence, Demir se lance dans la militance. Il est cinq fois emprisonné en raison de ses activités politiques. En 1978, à 18 ans, il est en taule et torturé. Le 12 septembre 1980, l’armée turque organise un coup d’état, instaure un régime militaire. Il étudie les sciences politiques à l’université, rencontre sa femme et se marie en 1986. En 1990, la situation est intenable. Menacé, il quitte la Turquie et demande l’asile en Suisse. Il est accueilli par d’anciens camarades de lutte à Genève. Il ne retournera plus en Turquie. Sa mère décèdera sans qu’il puisse la revoir. Il ne peut retourner voir son père malade.

Devenir Suisse sous conditionnelle

Il vit d’abord dans les baraquements pour les requérants d’asile le long de la piste d’aéroport, dans des conditions correctes mais avec une liberté restreinte. Il se sent comme un poisson hors de l’eau, ne comprend rien à cette nouvelle vie. Il sait juste que la Suisse est un pays riche, produisant du chocolat et que c’est un symbole de démocratie mondiale.

Sa femme le rejoint 9 mois après son arrivée à Genève. Deux enfants naissent, l’un en 1993, l’autre en 1996, la situation économique est toujours précaire. En 1994 il fonde la maison populaire de Genève, une association qui existe encore aujourd’hui. Il n’a pas le droit de travailler durant ces années, sa femme travaille dans un restaurant. En 1999, obtention du permis C, et naturalisé au tout début des années 2000. Jusqu’à cette délivrance, il attendait quotidiennement une réponse de l’ODM, regardant chaque jour la boîte aux lettres 3 à 4 fois. Mais la nationalité obtenue est conditionnelle ! S’il avait été condamné en Suisse ou dans un pays de l’Union Européenne par un tribunal, on lui aurait retiré son passeport. De 2000 à 2005 il était en quelque sort un Suisse au conditionnel.

La militance se poursuit

Demir a tout le temps continué à militer. Il rejoint le PS grâce à Laurence Fehlmann-Rielle rencontrée lors d’une coordination de soutien au peuple kurde. « Je suis photographe, journaliste » dit-il fièrement. Depuis 2009 jusqu’à aujourd’hui il a publié plus de 1'400 articles. « Je veux être le photographe des peuples opprimés » ! En 2016, une photographie de Demir d’une banderole révélant la mort de Berkin Elvan, adolescent tué par la police sur la place Taksim à Istanbulest exposée place des Nations. La Turquie cherche à faire censurer cette photo. Le Conseil administratif résiste. Demir devient un exemple mondial de la lutte pour la liberté d’expression. Quel est son modèle ? « Che Guevara » dit-il spontanément. Et à Genève ? « La place des nations ! On lui doit tout. »

Les idéaux et le quotidien

Au-delà de la lutte pour les idéaux, le quotidien n’est pas toujours rose. Manque de soutiens pour ses expositions, suspicion lors du délivrement d’autorisation, refus divers. « Je suis politique et donc suspect. Les élu.e.s étaient contents.e.s de s’afficher avec moi suite à l’exposition sur la place des Nations, mais après, il n’y a pas eu de vrai soutien » explique-t-il, un brin amer.  Son avenir comme photographe est incertain. Lucide, il explique : « Je ne vois pas loin devant moi. Je suis dans une situation de précarité, mais mon sort est pareil à celui de toutes et tous les photographes genevois.es. C’est très dur pour la profession,  la presse en général aujourd’hui ». Il vit une sorte d’exil dans l’exil, décrivant  Genève sans fards : « Si tu n’es pas Suisse, d’origine genevoise, si tu ne parles pas bien français, les exclusions s’accumulent. Régulièrement, dans les manifestations, la police vient vers moi pour me demander mes papiers et chercher à m’intimider. J’ai même un procès devant le tribunal de police. Un policier m’a collé un motif ridicule pour m’incriminer alors que je faisais mon travail. Imagine : un journaliste devant un tribunal de police à Genève ! Heureusement, le camarade Christian Dandrès me défend, j’ai confiance.» Demir est de toutes les luttes, mais il est aussi en lutte. Un appel ? « J’aurai besoin du soutien de mes camarades dans cette épreuve, je compte sur toutes et tous. Genève est la ville internationale des droits humains, mais au quotidien, nous avons encore un grand chemin à faire pour l’égalité et le respect de ceux-ci, ici comme ailleurs ». Demir n’a pas touché à son repas. On se dit au-revoir ou plutôt à bientôt. Rendez-vous à la prochaine manifestation. Elle sera peut-être pour l’indépendance et la liberté de Demir d’exercer son travail !

Lien: http://www.ps-geneve.ch/wp/wp-content/uploads/2018/12/CC49_final.pdf

 

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