La Turquie a été condamnée mardi dans le cadre de l'assassinat en 2007 du journaliste Hrant Dink, la Cour européenne des droits de l'Homme estimant notamment que Ankara n'avait pas protégé le journaliste assassiné par un nationaliste.
La décision a été saluée par les proches du journaliste turc d'origine arménienne, assassiné le 19 janvier 2007 alors qu'il dirigeait à Istanbul l'hebdomadaire bilingue turco-arménien Agos. Ankara a pour sa part promis de faire amende honorable et a renoncé à faire appel.
La publication dans ce journal d'articles sur la question de l'identité des citoyens turcs d'origine arménienne, avait valu à Hrant Dink d'être reconnu coupable en 2006 de "dénigrement de l'identité turque".
Le journaliste s'était notamment attiré la colère des nationalistes pour avoir qualifié de génocide les massacres d'Arméniens commis en Anatolie entre 1915 et 1917, un terme rejeté par Ankara.
Il avait été assassiné de trois balles dans la tête à la sortie des bureaux d'Agos par un jeune nationaliste.
Invoquant le droit à la vie, les plaignants affirmaient devant la CEDH que l'Etat turc a failli à son obligation de protéger la vie du journaliste. Selon eux, le jugement de culpabilité à son égard aurait fait de lui une cible pour les groupes ultranationalistes.
L'arrêt de la CEDH observe que "l'on peut raisonnablement considérer que les forces de l'ordre étaient informées de l'hostilité intense des milieux ultranationalistes contre l'intéressé".
"Elles auraient dû savoir qu'il était tout particulièrement susceptible de faire l'objet d'une agression fatale et ce risque pouvait passer pour réel et imminent", selon les juges de Strasbourg.
Ils ont par ailleurs conclu que la confirmation du verdict de culpabilité pris à l'encontre de Hrant Dink par les juridictions pénales "a constitué une atteinte injustifiée à son droit à la liberté d'expression".
La CEDH a alloué 105.000 euros aux plaignants pour dommage moral.
Le ministère turc des Affaires étrangères a annoncé dans un communiqué que la Turquie ne ferait pas appel de la décision.
"Des travaux seront menés pour appliquer les attendus de la décision et toutes les mesures seront prises pour qu'à l'avenir de telles violations se produisent", a-t-il poursuivi.
Réunis devant les locaux d'Agos, les proches de Hrant Dink ont salué le verdict.
"Après cette décision, nous voulons croire que beaucoup de choses vont changer sur le plan de la justice et de la politique en Turquie", a déclaré la veuve du journaliste, Rakel Dink.
"Nous espérons que l'Etat turc (...) abandonnera son attitude de condamnation de l'innocent et accomplira les premiers pas vers le comportement d'un Etat digne de la confiance de la société", a-t-elle ajouté, en larmes, tandis que l'avocate Fethiye Cetin décrivait l'arrêt comme un "document de la honte pour la justice turque".(AFP, 14 sept 2010)