A l'appel de plusieurs partis politiques et organisations de la société civile (suisses, kurdes et turques), plus de 200 personnes ont manifesté à Genève contre « la dictature d'Erdogan ». Rassemblées à la place Neuve, les manifestants ont marché jusqu'à la place des Nations, en scandant « Erdogan assassin », « Liberté aux parlementaires du HDP », etc. On pouvait lire sur une des bandroles : « Stop Erdogan » ! Les personnalités suivantes ont pris part à la manifestations : Mme Laurence Fehlmann Rielle, Conseillère nationale socialiste, Mme Anne Mahrer, ancienne Conseillère nationale membres des Verts, Mme Frédérique Perler, députée la vert au Grand Conseil M. Jean-Charles Rielle, député socialiste au Grand Conseil Genevois, M. Pierre Vanek, député au Grand Conseil Genevois, membre de la solidarité, M. Albert Rodrick, ancien député socialiste au Grand Conseil Genevois.
Lors de cette manifestation, les personnalités suivantes ont pris la parole : M. Ueli Leuenberger, ancien Président des Verts suisses et ancien Conseiller national, M. Carlo Sommaruga, Conseiller national socialiste, M. Jean Batou, député au Grand Conseil Genevois et membre de solidaritéS, Mme Marianne Ebel, représentante de la Marche Mondiale des Femmes et M. Jean Ziegler. Ils ont tous condamné le régime dictatorial d'Erdogan et exigé la libération des prisonniers politiques, dont les parlementaires incarcérés, tout en demandant l'intervention du gouvernement suisse et institutions internationales (Conseil de l'Europe, ONU, etc.).
intervention, au nom de la Marche mondiale des femmes /Marianne Ebel
En Turquie les droits des femmes et des peuples sont aujourd’hui purement et simplement supprimés.
Suite à la tentative du coup d’État manqué, nous assistons à une vague de répression sans précédent en Turquie. Maisons d’édition, chaînes de télévisions, stations de radios et journaux d’oposition interdits. Arrestation et emprisonnement de journalistes, d’intellectuel-le-s, de député-e-s du HDP.
STOP ! STOP ERDOGAN !
STOP à cette escalade de la répression aux portes de l’Europe.
Depuis le 11 septembre, 37 co-maires de municipalités kurdes ont été arrêté-e-s et des administrateurs non-élus ont été nommés dans 35 municipalités.
Les femmes sont les premières cibles
Les centres pour femmes de toutes ces municipalités ont tous été fermés et les femmes qui travaillaient dans ces centres ont été licenciées. Des documents contenant des informations confidentielles sur 2.000 victimes de violences ont été saisis par les administrateurs. L’autodétermination et l’autonomie des femmes sont attaquées, les réalisations historiques du mouvement de femmes sont détruites.
Plus de 100 ‘ 000 fonctionnaires ont ainsi été limogés ou mis à pied au sein des services de santé, d’éducation et de justice. Ces purges massives du secteur public affectent les femmes au premier plan, comme travailleuses dans ces secteurs, mais aussi comme bénéficiaires des services fournis par les professionnel-le-s de la santé et de l’éducation.
Le 11 novembre 2016, le Ministère de l’intérieur a annoncé, au nom de la loi de l’état d’urgence, la suspension des activités de 370 ONG, dans 39 provinces. Suite à cette annonce, les bureaux d’associations de femmes combattant toutes sortes de violences contre les femmes et les mariages d’enfants ont été scellés sans préavis.
Parmi les ONG mises sous scellées, on trouve le KJA (Congrès des femmes libres) et l’Association des Femmes Arc-en-ciel sont des membres actives de la MMF ; mais aussi VAKAD (association de femmes de Van), l’Association des Femmes de Selis, le Toit des femmes de Muş, l’Association de Solidarité des Femmes Bursa Panayir, l’association Vie de femmes Adiyaman et l’Association de femmes Ceren sont des organisations féministes bien connues pour leur lutte contre les discriminations liées au genre et les violences sexuelles. La suspension des activités des organisations de femmes est une attaque directe contre les femmes qui luttent contre la violence, et contre toute tentative des femmes de s’organiser en tant que pouvoir.
L’Association Progressiste des Avocats et l’Association des Avocats pour la Liberté, qui représentent des victimes de tortures et discriminations ont également été fermées, alors que la torture et les mauvais traitements en prison ne font qu’empirer.
Toutes ces arrestations arbitraires violent les droits à la liberté d’expression et d’association garantis par des conventions internationales ratifiées par la Turquie. L’état d’urgence outrepasse les obligations de la Turquie face au droit international et jette aux orties des libertés et des droits chèrement acquis.
Dans les prisons turques, la répression a franchi un seuil supplémentaire, intolérable, depuis le coup d’Etat manqué et la mise en place de l’état d’urgence.
Torture -physique et morale-, harcèlement, fouilles à nu, sont imposés aux prisonniers et prisonnières politiques. Des rapports médico-légistes attestent des violences extrêmes dans plusieurs prisons pour femmes. Cette recrudescence de la violence à l’intérieur des prisons contre les prisonniers et prisonnières politiques n’est pas le fait isolé de gardiens ou de responsables locaux. Cette politique répressive est “justifiée” d’en haut, et validée par l’idéologie qui préside à l’état d’urgence « mater l’ennemi intérieur ». En ce qui concerne les dangers qui pèsent principalement sur les femmes et sur les LGBTI, une vigilance particulière s’impose, afin que la dénonciation d’agressions et de violences sexuelles soit immédiate et trouve ses retentissements en Europe.
Il faut tisser des liens au travers des barreaux, si possible pas seulement avec quelques personnalités, même si cela permet de parler de toutes et tous.
La Marche mondiale des femmes en Suisse soutient les appels lancés par les familles et ami-e-s des prisonniers et prisonnières politiques en Turquie. Développons des échanges, des parrainages, prenons des initiatives telles que celles qui sont proposées pour Zehra Dogan’a journaliste emprisonnée qui vient d’être provisoirement libérée, mais qui sera rejugée début 2017, ou pour l’écrivaine Asli Erdogan, dont le dernier livre « Le Bâtiment de pierre » est lu jour après jour dans de nombreuses librairies en Suisse romande entre le 1er et le 24 décembre. « Lire pour qu’elle soit libre » ! Lire, écrire, manifester pour que ce régime totalitaire ne puisse pas se mettre en place aux portes de l’Europe dans l’indifférence et un silence complice.
Nous, la Marche Mondiale des Femmes, appelons toutes les femmes à faire preuve de solidarité et sororité face à ce régime d’horreur, patriarcal, coercitif et opprimant qu’est la Turquie d’aujourd’hui.
Le Comité international de la Marche mondiale des femmes lance un appel pour que partout les femmes
* mobilisent les lobbies internationaux à travers des instruments internationaux tels que ONU FEMMES, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations, le Lobby Européen des Femmes,
* organisent des délégations internationales pour rendre visite aux femmes prisonnières ainsi qu’aux organisations de femmes illégalement scellées ;
* organisent toute forme d’action, qu’elle soit virtuelle ou dans la rue en utilisant tous les moyens de communication possibles.
En Suisse, nous appelons le Conseil fédéral, le Conseil de l’Europe, l’OSCE et les Nations unies à mettre fin à ce coup d’Etat politique. Le gouvernement turc doit
- relâcher et réintégrer dans leurs fonctions tous/tes les co-maires démocratiquement élu-e-s ; libérer tous les prisonniers et prisonnières politiques arrêté-es illégalement pour leurs idées ;
- mettre fin aux suspensions arbitraires des activités des ONG ;
- respecter les valeurs démocratiques et la liberté des syndicats
- respecter et protéger les droits et les libertés ;
- mettre fin immédiatement à l’état d’urgence ainsi qu’aux décrets exécutifs en tant qu’outils de répression des mouvements de protestation.
TANT que toutes les femmes ne sont pas libres, nous serons en marche !
Discours d’Ueli Leuenberger, ancien Conseiller national, ancien président des Verts suisse
Nous sommes le 10 décembre, journée internationale des droits de l’Homme. Ces droits fondamentaux fixés dans la déclaration universelle de 1948 sont violés d’une manière grave dans de nombreux pays sur notre planète. Avant de parler de la Turquie, j’ai une pensée particulière pour l’horreur qui continue à Alep et dans d’autres endroits de la région, en criant haut et fort que l’horreur doit cesser immédiatement.
Nous sommes rassemblés aujourd’hui en solidarité avec toutes celles et ceux qui luttent contre la dictature et pour le rétablissement de la démocratie en Turquie.
D’autres intervenants vont parler plus en détail de l’inventaire des violations des droits de l’Homme, des horreurs envers les démocrates, peu importe s’ils appartiennent à des minorités ou non. Dans la Turquie d’aujourd’hui, dans la Turquie du dictateur Erdogan on fait la chasse aux femmes, hommes, associations, organisations et partis politiques qui s’appuient dans leur engagement sur les droits universels des droits de l’Homme. On enferme, on torture, on ferme des rédactions et enferme les journalistes, on enferme des députés démocratiquement élu par le peuple. C’est ça la réalité du pays qui est candidat pour devenir membre de l’Union Européenne.
J’appelle à la mobilisation de toutes les forces démocratiques en Suisse, à une mobilisation au coté et avec nos concitoyennes et concitoyens originaire de Turquie qui vivent et travaillent chez nous, pour que le Conseil fédéral prenne enfin clairement position, en condamnent vigoureusement les violations des droits de l’homme en exigeant l’arrêt de la répression et le respect des droits démocratiques et des droits de l’Homme.
Pour le Conseil fédéral et certains milieux politiques les intérêts économiques de certaines entreprises suisses pèsent malheureusement depuis longtemps plus lourdement que les droits de l’Homme. Depuis des années, le Conseil fédéral, comme de nombreux autres gouvernements européens fait des courbettes et reste silencieux devant les dirigeants turcs quand il s’agit des droits des Kurdes, des Arméniens. Tout cela pour ne pas les hérisser semble-t-il ! La Suisse, siège de l’ONU, du Haut-commissariat des droits de l’Homme et garante de la Convention de Genève doit enfin assumer ses responsabilités face à la Turquie !
Le Conseil fédéral dit souhaiter le dialogue avec la Turquie, dit être préoccupé etc. etc.
Quel dialogue? De la part du gouvernement turc, il n'y a pas la moindre volonté de dialogue détectable. Que le Conseil fédéral dise enfin clairement qu’il exige la libération de tous les élus – nationaux et locaux et le rétablissement dans leurs fonctions de ces derniers, le respect de la séparation des pouvoirs et de tous les droits démocratiques, l'interdiction de la torture.
Une attitude claire et ferme de la part du gouvernement et aussi de notre part, représentants d’organisations politiques, syndicales, humanitaires est d’autant plus urgent comme message clair comme un signal pour la communauté turque chez nous. Je suis inquiet de voir, à quel point de nombreux travailleurs d’origine turcs vivant chez nous se laissent empoisonner par la propagande d’Erdogan et de ses agents.
Les droits de l’homme ne sont pas à géométrie variable. Ils sont valables pour toutes les femmes, pour tous les hommes. Ici, en Turquie et par tout dans le monde !
Manifestation de solidarité pour la démocratie en Turquie - 10 décembre 2016
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