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3 ans après devant le bunker Quidort: rien changer pour les requérants

TENTATIVE DE SUICIDE AU BUNKER QUIDORT (Annevelle)
Les requérants se mobilisent
 

Des requérants au garage, malaise genevois.jpg

Aujourd'hui, une soixantaine de personnes se sont rassemblées devant le bunker Quidort (Annevelle), pour alerter la population genevoise et les autorités quant à la situation des requérant-e-s d’asile domiciliés à Genève et notamment des personnes originaires d’Erythrée. En effet, en date du 14 octobre 2015, un des requérants, logé dans l’abri de protection civil Quidort (Annevelle), a tenté de mettre fin à ses jours en se pendant dans ledit abri, après avoir reçu une décision négative concernant sa demande d’asile (non entrée en matière, Dublin). Les personnes présentes, ses amis, ont dû intervenir de manière vive pour empêcher ce drame. Suite à cet événement ainsi qu’au grand nombre de décisions négatives reçues et face aux conditions de vie indignes qu’on leur impose, les requérants d’origine érythréenne du PC Quidort (Annevelle) se sont mobilisés et nous ont interpelés. Ils souhaitent que nous portions à votre attention les raisons de cette tentative de suicide.

Pour eux, il est clair que cette tentative de suicide est la conséquence d’une accumulation de problèmes et de situations qui les ont tous fortement découragés. En effet, le parcours qui a conduit ces requérants en Suisse mérite d’être explicité pour démontrer quels sont les enjeux auxquels ils sont confrontés. Les paroles qui suivent sont la traduction d’un texte qu’ils ont rédigé :
« A propos des faits de notre migration !

  1. En Erythrée, le régime dictatorial qui est au pouvoir depuis 25 ans interdit la presse libre, ne garantit aucun des droits humains, ne permet à personne de faire valoir ses droits légitimes, n’a pas prévu de Cour suprême, ne laisse pas de liberté de culte et n’a pas mis en place d’universités ou de hautes écoles afin de se former.
  2. Il est largement reconnu que les Erythréens sont soumis à vie, c’est-à-dire pour une durée illimitée, à un service militaire national aux conditions extrêmement difficiles comprenant notamment :
  • L’absence de salaires, ou de défraiements ;
  • L’absence de permission de visite (famille ou ami-e-s) ;
  • La non-prise en compte du degré de formation ;
  • Une gestion très autoritaire et arbitraire de l’armée ; les arrestations, violences, viols et enfermements sont malheureusement monnaie courante.


3. La majorité d’entre nous, Erythréen-ne-s qui fuient le pays, le faisons par deux chemins principaux, en passant soit par le Soudan ou soit par l’Ethiopie. Dans tous les cas, nous nous regroupons au Soudan où nous sommes menacés par des arrestations en série. Une fois arrêtés, nous devons payer pour être libérés et le processus se reproduit de nombreuses fois. Ensuite, nous continuons notre chemin de souffrance en passant par le plus grand désert d’Afrique entre le Soudan et la Libye. La traversée se fait sur plus d’une semaine sans eau et sans nourriture en étant à la merci des attaques. Beaucoup de nos ami-e-s ont été enterré-e-s dans le désert, morts à la suite de déshydratation, d’enlèvements ou d’assassinats par l’Etat Islamique. Lorsque nous arrivons en Libye, nous devons payer pour rejoindre une embarcation précaire sur laquelle nous risquons notre vie, entassés avec d’autres migrant-e-s (souvent jusqu’à 700 personnes par embarcation). Ces voyages organisés par des trafiquants d’êtres humains causent beaucoup de morts, noyés en mer, parmi nos rangs.

4. En arrivant en Italie, parfois inconscients à cause de la déshydratation et de la faim, on nous enregistre et on nous dépose dans une ville italienne où l’on nous abandonne avec une carte téléphonique. De nombreux Erythréens qui séjournent depuis plusieurs années en Italie dorment dans la rue dans des conditions de pauvreté extrême.

5. Après ce voyage plus qu’éprouvant, nous avons choisi d’essayer de mener une vie calme et paisible en Suisse où nous avons demandé l’asile. Malheureusement, nous recevons l’un après l’autre des réponses négatives et nous sommes mis dans des bunkers. La situation dans les bunkers en regard de nos parcours migratoires et de la vie en Erythrée est très difficile. Le manque d’air frais, la déconnection avec le rythme des journées, la mauvaise qualité de la nourriture, l’absence d’intimité, la surpopulation et les bruits sont autant d’éléments qui affectent fortement notre moral après toutes les épreuves que nous avons traversées. Certains tombent dans de graves dépressions, ce qui a notamment conduit notre ami à essayer de s’ôter la vie. »

La Suisse doit assumer son rôle de refuge pour les personnes persécutées et en danger et les accueillir de manière digne. Comme le témoignage en atteste, l’Italie n’est pas en mesure
d’accueillir ces personnes fuyant leurs pays et nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de les renvoyer vers une misère certaine. De plus, maintenir ces personnes dans l’incertitude de leur renvoi? et les loger dans des conditions inhumaines menace clairement leur équilibre psychique et physique et fait peser sur eux un danger conséquent. La Suisse ne doit pas laisser des personnes tenter de se suicider de désespoir après de tels parcours de vie.

Dès lors, les associations, partis et collectifs signataires exigent de la part du Conseil fédéral :

  • Un moratoire sur l’ensemble des renvois Dublin en commençant par ceux en direction de l’Italie ;
  • L’entrée en matière sur les demandes d’asile actuellement déposées et l’octroi de l’asile pour les personnes originaires d’Erythrée ;  et exigent de la part du Conseil d’Etat genevois :
  • D’accélérer la recherche de solutions (notamment de terrains pouvant accueillir des modulables) en vue de la fermeture des bunkers ;
  • Des conditions d’accueil et de vie dignes pour toutes les personnes ayant demandé l’asile afin d’éviter la répétition de gestes désespérés.


Afin de porter ces revendications, les signataires appellent à un rassemblement le jeudi 12 novembre à 18h devant
le Grand Conseil. Parallèlement, deux courriers ont été envoyés à Mme Simonetta Sommaruga (Conseillière fédérale) et à M. Mauro Poggia (Conseiller d'Etat), leur demandant de prendre position sur ces revendications.
Pour le Collectif Perce-frontières (Collectif regroupant
les groupes No Bunkers, S
top Bunkers, Sans retours, Solidarité Tattes et solidaritéS) 


 

Cet article publier le 14 août 2012 par Marie-Adèle Copin dans “Le Temps”, je voudrais le partager avec vous. Parce que la situation des requérants d’asile sont toujours une plaie ouverte.
Des requérants au garage, malaise genevois

 

Des requérants au garage, malaise genevois_.jpg


Le sous-sol d’un immeuble de Lancy accueille des demandeurs d’asile depuis cinq mois : le voisinage apprécie peu

Entre les requérants d’asile du 6 bis et les habitants du 8 et du 10, route de Chancy, on se croise, mais on s’ignore. Ou on s’évite. Après Châtelaine et Carouge, Lancy est la troisième commune genevoise à ouvrir un abri antiatomique à des requérants d’asile et à des déboutés d’office destinés à quitter le pays. L’immeuble, un bloc rosé de huit étages aux balcons de métal rouge, fait figure de lieu test pour la cohabitation entre réfugiés et habitants des zones urbaines. Une forme de cohabitation appelée à se développer, alors que le nombre de requérants d’asile qui arrivent en Suisse augmente rapidement.

 

Demir SÖNMEZ.jpg

 

Demir Sönmez, devant l’entrée de l’abri PC du 6bis, route de Chancy. Ancien réfugié, cet habitant est « scandalisé » par les conditions de vie des requérants. 


« Nous avons fermé l’abri de Carouge, précise Bertrand Levrat, directeur de l’Hospice général, qui se charge du logement des réfugiés dans le canton de Genève. Pour le même coût, celui de Lancy peut accueillir 50 personnes supplémentaires. » Pourtant, loger ces hommes dans des abris PC reste une « solution de dernier recours ».


« On essaie de retarder au maximum le recours à l’abri. Mais au final, avec un flux tendu de 130 personnes arrivant chaque mois à Genève, l’ouverture d’un abri se fait assez vite », explique Bertrand Levrat.

Les riverains ont été informés de l’arrivée des réfugiés une semaine avant, par un communiqué scotché sur la porte de l’ascenseur. « On s’est senti devant le fait accompli », s’indigne Monique, une habitante qui ne souhaite pas que son nom soit publié. Les autorités ont bien organisé une séance d’information pour répondre aux craintes du voisinage et à certaines de ses requêtes, comme la présence d’agents de sécurité 24h sur 24. Deux Protectas, employés par l’Hospice général, contrôlent l’entrée de l’abri. Un troisième agent surveille l’extérieur et les environs.

Mais selon Roger Golay, président du Mouvement Citoyens genevois (MCG) et président du Conseil municipal de la commune, « la population voisine n’est pas du tout satisfaite de cette cohabitation. Les gens qui rentrent dans le parking ne se sentent pas en sécurité, surtout les femmes. » Cyril Mizrahi, conseiller municipal PS, considère que « sur le court terme, la solution était celle-ci, même si elle n’est pas idéale. Il n’y a tout simplement pas d’abri PC en dehors des zones urbaines », conclut-il.

Autour de l’imposante entrée du parking souterrain, deux populations cohabitent malaisément. A gauche, le garage des locataires de l’immeuble, fermé par une porte métallique. A droite, un long couloir avec, au bout, une porte en béton armé et l’abri logeant 81 hommes d’Afrique de l’Ouest, âgés de 18 à 42 ans, tous célibataires.

Les requérants peuvent circuler librement en dehors de l’abri à n’importe quelle heure de la journée ou de la nuit. « Si l’on avait imposé des horaires, tous sortiraient au même moment. On veut éviter les attroupements, pour que la cohabitation avec le voisinage se passe le mieux possible », détaille le directeur de l’Hospice général.

L’unique contact des habitants avec les requérants, ce sont des bonjours, des regards, qui parfois gênent certaines femmes. Ce sont aussi des tentatives – souvent mal vues – d’entrer en contact : « L’un d’eux a demandé à ma fille son nom. Elle l’a ignoré bien sûr », confie un père de famille très préoccupé par la situation.

Pour une autre habitante, les bonjours, auxquels elle ne répond pas, sont une « provocation ». Ceux qui y voient un « signe de politesse et de sympathie » sont une minorité. La plupart des riverains vivent avec un sentiment d’insécurité. « Je suis seule avec ma fille de 19 ans, qui rentre parfois tard le soir. Ils sont toujours dehors », raconte une habitante installée depuis vingt ans dans l’immeuble.

« Ça sent le joint quand on rentre dans le garage, affirme Santi, un autre habitant. Et, depuis quelques semaines, certains se sont mis à boire énormément et sont très souvent saouls. » Bertrand Levrat, conscient des « problèmes de fumette », assure que la police surveille régulièrement les lieux. L’abri est aussi fouillé chaque semaine par les Protectas. Pour les questions d’alcool, en revanche, il n’est pas au courant. « Il y a certains individus qui posent problème, mais ce sont des exceptions », répond-il.

Santi s’est également demandé pourquoi certains requérants sortaient des billets de 100 francs de leurs poches, « alors qu’ils n’ont que 10 francs par jour ! C’est mathématiquement impossible. » En réalité, « il y a deux types de personnes, expose Raphaëlle Carron, directrice adjointe de l’aide aux requérants d’asile à l’Hospice général. Les requérants d’asile dits « cas Dublin » reçoivent des repas et 300 francs chaque début de mois. Les NEMS [terme qui désigne les déboutés d’office ou « non-entrée en matière »], formant la plus grande majorité, ne disposent que d’une assistance en nature, relevant de l’aide d’urgence, c’est-à-dire des repas, des kits d’hygiène et des bons pour des vêtements. »

Parmi la minorité de personnes qui ne voient aucun inconvénient à cette cohabitation, certains s’indignent du traitement réservé aux requérants. « Sans lumière naturelle, en sous-sol, entassés dans cet abri… Je suis scandalisé des conditions dans lesquelles ces hommes vivent », déclare Demir Sönmez.

Pour cet ancien réfugié politique, l’opinion publique a radicalement changé depuis une vingtaine d’années – la tolérance envers les réfugiés a drastiquement diminué. « C’est juste parce qu’ils sont Noirs », résume une locataire pour expliquer le mépris des habitants. Pour l’instant, aucun débordement grave n’a été déclaré et aucune plainte n’a été déposée.

Devant l’entrée du parking, deux hommes assis sur les marches menant aux immeubles pianotent sur leur téléphone portable. Un seul parle français : Ibrahim. Il est arrivé il y a deux mois du Mali. Pour le jeune homme, la cohabitation avec les habitants reste mauvaise : « Ils n’apprécient pas notre présence, mais on n’a pas le choix. Certains ont appelé la police pour qu’on rentre à l’intérieur parce qu’on était trop souvent dehors », raconte-t-il.

Même si l’abri « Annevelle » est présenté comme une solution transitoire, aucune date de fermeture n’a été prévue. Tout dépendra de la capacité de l’Hospice général d’ouvrir de nouveaux centres. Fin septembre, l’abri en surface de la Praille augmentera sa capacité de 70 places supplémentaires.

GENÈVE Mardi14 août 2012 Marie-Adèle Copin

http://leblogdedemirsonmez.blogspirit.com/archive/2012/08/22/des-requerants-au-garage-malaise-genevois.html

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