RASSEMBLEMENT DES KURDES DE BELGIQUE
«Erdogan s’en prend aux Kurdes pour des raisons électorales»
Plusieurs organisations kurdes se sont rassemblées à Bruxelles, ce mardi, pour dénoncer la « politique militariste » de la Turquie, dirigée contre les Kurdes.
Une centaine de manifestants kurdes ont bravé la pluie ce mardi matin à Bruxelles pour exprimer leur colère envers la Turquie et envers les offensives organisées par Ankara contre les Kurdes, notamment. Depuis vendredi, Ankara a entamé une campagne militaire avec des bombardements lourds contre le PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan, que la Turquie qualifie d’« organisation séparatiste terroriste ») et contre des populations civiles dans le Sud-Kurdistan, en Irak. Depuis vendredi, plus de 1.000 personnes ont également arrêtées par les autorités turques. Ces personnes sont suspectées de terrorisme. Selon les autorités turques, elles sont liées soit au groupe « Etat islamique » soit au PKK
Mardi, à Bruxelles, les manifestants kurdes sont restés silencieux sous leurs drapeaux – du Kurdistan, mais aussi de nombreux drapeaux représentant le visage de Abdullah Öcalan, fondateur et dirigeant du PKK. Seuls quatre représentants kurdes ont pris la parole, et n’y sont pas allés par quatre chemins. Ils dénoncent le « sabotage des négociations avec les Kurdes » par Ankara, la « politique militariste » du président turc et la volonté de ce dernier de « rétablir l’Empire ottoman ».
« Le conflit en cours en Turquie n’est pas une guerre menée par la Turquie. C’est la guerre de Recep Tayyip Erdogan qui veut maintenir son pouvoir, a déclaré Zübeyir Aydar, membre du conseil exécutif du Congrès national du Kurdistan (KNK). L’AKP (le Parti de la justice et du développement, du président turc Recep Tayyip Erdogan, NDLR) organise cette provocation en vue des élections à venir. Ils veulent empêcher toute victoire du parti kurde. »
« La Turquie fournit des armes à Daesh »
Doru Eyyup est le représentant européen du parti pro-kurde HDP (Parti démocratique des peuples). Il insiste également sur les intentions électorales de Recep Tayyip Erdogan et de l’AKP, pour expliquer les offensives contre les Kurdes de ces derniers jours. « Erdogan mène une guerre contre notre parti et contre notre peuple. Avec l’entrée du HDP au parlement turc, suite aux dernières élections législatives (en juin), nous avons empêché Erdogan de construire son empire. Tout le monde sait que la Turquie ne mène pas une guerre contre Daesh mais contre la population kurde. La preuve : les bombardements sont concentrés sur la région du Kurdistan ! La Turquie a des intentions électorales. Mais elle ne pense pas aux conséquences néfastes de ses actes… »
Pour ces deux représentants kurdes, la Turquie présente à la communauté internationale les offensives en cours comme étant des opérations dirigées contre le groupe « Etat islamique ». « Mais ce n’est qu’une image, insiste Zübeyir Aydar. La vérité est que la Turquie et l’Etat islamique se sont mis d’accord dans cette histoire. Il n’y a pas de conflit entre eux, en réalité. La Turquie fournit des armes à Daesh, tout le monde le sait. Elle aide les djihadistes de l’extérieur. La Turquie met des bâtons dans les roues du processus depuis le début. Elle n’est pas claire. »
« Nous ne voulons pas la guerre »
Ce mardi matin, les organisations kurdes représentées à Bruxelles ont demandé à la communauté internationale, à l’Otan en particulier (vers qui la Turquie s’est tournée ce mardi pour demander un soutien pour assurer la protection de sa frontière sud) et à l’Union européenne d’intervenir dans ce dossier pour « reprendre des négociations pacifiques avec le peuple kurde ». « Nous ne voulons pas la guerre, a insisté Zübeyir Aydar. Nous souhaitons que les forces internationales face office de médiateurs entre nous, pour que la guerre ne dure pas un jour de plus. »
Zübeyir Aydar estime que les Kurdes ne participent pas aux attaques ; qu’ils ne font que « se défendre ». Doru Eyyup est plus franc sur la question de la réponse kurde aux attaques turques : « Les Kurdes sont une force importante au Moyen-Orient. Bien sûr qu’il va y avoir des ripostes kurdes. Les Kurdes ont les moyens de mener une guerre de résistance. » Mais le représentant européen du HDP insiste : il souhaite une sortie de crise pacifique et négociée. Via une intervention de l’Union européenne, par exemple. « Avec des pressions économiques contre la Turquie, l’UE a la capacité d’arrêter cette guerre ».
Le Soir, CATHERINE JOIE, Mardi 28 juillet 2015