« A vous qui êtes lesbiennes, gays, bisexuel-le-s, ou transgenres, laissez-moi vous dire : vous n’êtes pas seuls. Toute attaque contre vous est une attaque contre les valeurs universelles ». La déclaration fracassante de Ban ki-moon le 23 mars 2012 rappelle que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits.
Ce droit fondamental inscrit dans l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’Homme est repris dans les Constitutions des Etats du monde entier. Pourtant, pas un jour ne passe sans qu’un être humain ne soit discriminé, molesté, emprisonné voire assassiné en raison de son orientation sexuelle.
Dans 77 pays, les personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres) s’exposent à la prison, la torture ou aux travaux forcés. Dans 10 de ces Etats, elles risquent même la peine de mort.
Emprisonner des êtres humains pour leur orientation sexuelle est une violation inadmissible de leur dignité et une ingérence intolérable dans leur vie privée.
Pourtant, l’homophobie est présente partout, de manière insidieuse, comme l’a tristement révélé le débat autour du « Mariage pour tous » en France en 2013.
En Afrique, 37 pays pénalisent toujours l’homosexualité. La répression s’est aggravée au Nigeria, en Ouganda et en Russie ces derniers mois.
Au Cameroun, des dizaines de personnes se trouvent actuellement en prison pour délit d’homosexualité. Un climat homophobe qui a coûté la vie en 2013 à Eric Lembembe et Roger Mbede.
En leur mémoire, la lutte ne cessera jamais.
"Saskia Ditisheim"
LGBT : l’amour réprimé - FIFDH
Lundi 10 mars, 19h30
Auditorium Arditi
Intervention de Madame Sandrine Salerno
Maire de Genève
Monsieur l’ancien Ministre de la Justice,
Madame la Présidente d’Avocats Sans Frontières Suisse,
Madame Nkom,
Monsieur le Directeur général,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
En tant que Maire de la Ville Genève, c’est un grand plaisir et un immense honneur pour moi que d’ouvrir cette soirée en hommage aux défenseuses et défenseurs des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transidentitaires, intersexes et queer, en présence notamment de Maître Alice Nkom et de Monsieur Robert Badinter.
Monsieur Badinter, vous êtes, comme ancien ministre de la Justice, à l’origine de la suppression de la peine de mort en France. On sait moins que l’on vous doit aussi la dépénalisation de l’homosexualité dans votre pays.
Vous disiez, M. Badinter, dans un discours devenu célèbre prononcé en 1981 devant l’Assemblée Nationale, que « cette discrimination et cette répression sont incompatibles avec les principes d'un grand pays de liberté. » Au-delà de votre action en France, vous vous êtes engagé pour une « dépénalisation universelle de l'homosexualité ». Inspiré par Victor Hugo, vous affirmiez ainsi en 2009 que « la répression de l’homosexualité est le signe permanent et universelle de la barbarie humaine. » Vous appeliez également les pays européens à l’accueil des femmes et des hommes persécuté-e-s en raison de leur homosexualité. Car, si de nombreux progrès ont été accomplis ces dernières décennies pour le respect des droits fondamentaux des personnes LGBT, la situation est encore très préoccupante dans de nombreux pays.
Le rapport sur l’homophobie d’Etat de l’ILGA, l'association internationale des gays et des lesbiennes, présenté ici-même à Genève l’année dernière, nous rappelle ainsi que 78 pays à travers le monde considèrent toujours que l’homosexualité est illégale et que, dans sept d'entre eux, les relations homosexuelles entre adultes consentants sont passibles de la peine de mort. Le rapport 2014, attendu pour mai prochain, devrait également montrer une situation très contrastée. Si des progrès existent partout, - à ce jour, 18 pays ont ainsi légalisé le mariage pour les couples de même sexe -, de nombreux pays ont récemment durci leur législation réprimant l'homosexualité.
La Russie, qui a pourtant légalisé l'homosexualité en 1992, ne cesse depuis de restreindre les droits des personnes LGBT.
L'Ouganda vient de promulguer une loi rendant passible de la prison à vie les personnes qui ont des relations sexuelles avec des adultes de même sexe. Les personnes qui les aident ou les protègent risquent, elles, 7 ans d'emprisonnement. Cette nouvelle loi a ouvert la porte à une véritable chasse à l'homme qui a débuté avec la publication par la presse du portrait de 200 homosexuel-le-s présumé-e-s.
Le Nigeria vient lui aussi de durcir sa législation et il suffit à présent que deux personnes de même sexe refusent de cacher leur relation pour qu'elles encourent 10 ans de prison.
Dans plusieurs pays, de telles lois sont à l’étude et seraient probablement déjà en vigueur sans la pression internationale.
Le film que nous allons voir ce soir, en avant-première mondiale, nous ramène à cette triste réalité. Mais, il est également porteur d'espoir. Il montre en effet que, partout dans le monde, des hommes et des femmes s’élèvent pour dénoncer cette injustice, cette répression inqualifiable, en négation totale des valeurs portées par la Déclaration universelle des droits de l'Homme et des traités internationaux, pourtant ratifiés par la plupart des pays concernés.
Sur le terrain comme dans les plus hautes instances onusiennes, la résistance s’organise, se fédère, s’institutionnalise. Même si de nombreux obstacles subsistent, le projet de dépénalisation universelle de l'homosexualité fait son chemin, porté par quelques pays pionniers, comme la France ou l'Afrique du Sud, premier pays au monde à inscrire, dès 1994, l’interdiction de toute discrimination en raison de l’orientation sexuelle dans sa constitution – une exception sur le continent africain.
La Ville de Genève est fière de contribuer à ce combat en soutenant le travail d’Avocat Sans Frontière Suisse au Cameroun, à travers son programme de coopération mené par la Délégation Genève Ville Solidaire. Je salue d’ailleurs ici le courage et la détermination de Me Alice Nkom. Vous étiez, Madame, la première femme à prêter serment d’avocat au Cameroun en 1971. Vous êtes, avec votre collègue Me Michel Togué, l’une des rares à défendre les personnes accusées d'homosexualité.
Je remercie également Me Saskia Ditisheim, présidente d'ASF Suisse, qui plaide au côté de ses collègues dans ce climat si difficile, faisant fi des insultes et des menaces de mort.
La Délégation Genève Ville Solidaire soutient également le Service international des droits de l’homme et la Commission internationale des juristes dans leurs actions pour le respect des droits fondamentaux des personnes LGBT dans différentes régions du monde. Enfin, la Ville de Genève s’associe au Prix Martin Ennals qui récompense l’engagement pour les droits humains dans le monde. En 2011, ce prix était remis à l'ougandaise Kasha Nabagesera qui lutte au péril de sa vie pour les droits des personnes LGBTIQ dans son pays et qui fait partie de la liste des 200 personnes récemment exposées dans la presse.
L’engagement international de la Ville de Genève fait écho à celui entrepris sur son propre territoire. La lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre est portée avec conviction par le Conseil administratif de la Ville de Genève depuis 2007. Elle est également portée par le Conseil municipal de la Ville qui a accepté, en 2012, la création d’un poste de chargé des questions LGBT au sein de l’administration municipale. Une première en Suisse.
Dans un discours historique devant les Nations Unies, la secrétaire d’état étasunienne Hillary Clinton appelait à se placer « du bon côté de l'histoire ». Je suis fière de pouvoir affirmer que la Ville de Genève a su le faire et je fais le vœu que, année après année, de plus en plus d’Etats et de Villes à travers le monde, rejoignent ce mouvement universel de progrès.
Pour terminer, je voudrais rappeler ces célèbres mots du Mahatma Ghandhi : « D’abord, ils vous ignorent. Ensuite, ils se moquent de vous. Puis ils vous attaquent. Et, alors, vous gagnez ! »
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une très belle soirée.