Mercredi 5 mars, les étudiant-e-s genevois-es se sont mobilisé-e-s pour le maintien du programme erasmus, accusant les autorités de leur faire porter en premier les effets négatifs de la votation du 9 février.
Revendiquant également la fin des discriminations envers les étudiant-e-s étrangers-ères (mêmes droits, même accès aux études, mêmes conditions de vie) et l'octroi de moyens financiers adaptés pour la recherche et l'enseignement, près de 1000 jeunes ont quitté Uni Mail pour défiler dans les rues autour de la plaine de Plainpalais.
Cette manifestation était soutenue par une pléiade d'associations d'étudiant-e-s: AES (sociologie), AEHES (histoire économique), AS&D (socioéconomie), AESPRI (sciences politiques et relations internationales), ADEPSY (psychologie), AEB (biologie), AEP (physique), AETI (traduction et interprétation), AEMG (médecine), AEHA EKPHRASIS (histoire de l'art), AEHG (histoire générale), AEFRAM (français moderne), AEL (lettres), ESN (erasmus), AJE (collèges) et CUAE (faîtière)
Communique du MOCAT
Ce jeudi 6 mars 2014, le Conseil national se prononcera sur la motion déposée par la CSEC-N (Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national) : « EPF. Taxes d’études équitables »[1]. Le projet offre la possibilité d’augmenter les taxes d’études des EPF « sur proposition du Conseil des EPF et au moyen d’une décision du Conseil fédéral » pour tout·e·s les étudiant·e·s dont les parents sont assujettis à l’impôt en Suisse. Pour les étudiant·e·s dont les parents n’ont pas leur domicile fiscal en Suisse, le triplement des taxes serait rendu possible !
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C'est donc bien le Parti Socialiste, largement soutenu dans cette initiative par l'UDC, qui propose d'augmenter les taxes d'études et de discriminer les étudiant·e·s étranger·e·s.
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Il faut savoir que cette motion reprend, dans ses grandes lignes, une proposition du parlementaire socialiste Roger Nordmann[2]. C’est donc bien le Parti Socialiste (PS), largement soutenu dans cette initiative par l’Union Démocratique du Centre (UDC), qui propose d’augmenter les taxes d’études et de discriminer les étudiant·e·s étranger·e·s. Le même parti qui, suite aux votations du 9 février, appelait à la manifestation ce samedi 1er mars « pour une Suisse ouverte et solidaire »[3]... Cette alliance est surprenante, et surtout inquiétante dans le contexte politique actuel. Un certain nombre de clarifications et d’explications appuyées par des chiffres sont donc essentielles :
Selon la CSEC-N, il serait normal que les étranger·e·s paient plus car ils/elles ne paient pas d’impôts.
Rappelons tout d’abord que la majorité (63.4%) des diplômé·e·s MINT (Mathématiques, Informatique, Science Naturelles et Technique) restent en Suisse après leurs études, et y paient leurs impôts[4], ce qui compense largement une absence d’impôts durant les études.
Il est également essentiel de souligner que la Suisse profite de nombreux-ses travailleurs et travailleuses étranger·e·s hautement qualifié·e·s qui n'y ont pas effectué leur formation ; elle profite ainsi des fonds mis en place par les autres pays au service de la formation.
De plus le Conseil fédéral rappelle que nous sommes dans un « contexte de pénurie de personnel qualifié dans les disciplines MINT». Les travailleurs et travailleuses étranger·e·s ainsi que les étudiant·e·s étranger·e·s constituent donc un élément fondamental de l’économie suisse, particulièrement dans ce secteur. De tels projets d’augmentation des taxes d’études sont donc tout à fait contre-productifs.
Que rapporterait cette motion à l’EPFL si elle est approuvée ce jeudi ?
Il y a environ 30% d’étudiant·e·s étranger·e·s aux EPF[5] – bien loin des 50% scandés par Patrick Aebischer, président de l’EPFL. En se basant sur les chiffres donnés sur le site de l’EPFL[6], avec un triplement des taxes actuelles pour les étudiant·e·s étranger·e·s, les frais d’écolage représenteraient 1.5% du budget total de l’EPFL, soit une augmentation de 0.6% ! En comparaison, 3'800 CHF est une somme considérable dans un budget étudiant (près de 20% d’un budget moyen de 20'000 CHF par année[7]). La justification de tels projets n’est donc pas économique, mais bien politique ! Le but est de réduire le nombre d’étudiant·e·s, notamment étranger·e·s (alors même que la Suisse a besoin d’ingénieur·e·s), ainsi que de créer un sentiment artificiel de qualité par une augmentation du prix de l’éducation (suivant la logique du « si c’est cher, c’est que ça doit être bien »...).
Cette logique va totalement à l’encontre des engagements de la Suisse en matière d’éducation : « l'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité » (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par la Suisse en 1992). Cette tendance d'augmentation des taxes est une entrave à l’égalité des chances. Le risque est d’accentuer encore plus la reproduction intergénérationnelle, qui est déjà une problématique en Suisse : 59% des étudiant·e·s des universités sont issu·e·s de classes sociales élevées, 25% de la classe moyenne, et 16% des classes inférieures[8].
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Cette logique va totalement à l’encontre des engagements de la Suisse en matière d’éducation : «l'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité ».
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Étudier est un métier à plein temps, et c’est un métier non payé. Dans bien des cas, l’étudiant·e doit travailler à côté de ses études : près de 80% exercent une activité lucrative[9]. Une augmentation des taxes aura pour conséquence une augmentation du travail rémunéré que devront fournir ces étudiant·e·s, les mettant dans des situations difficiles, et réduisant leurs chances de réussir leurs études. Le risque de devoir rallonger leurs études engendrerait des coûts bien plus importants que le peu gagné en augmentant les frais d’écolage.
Patrick Aebischer s’inquiète beaucoup des conséquences de la votation du 9 février pour la recherche et l’éducation, mais à force d’afficher la volonté de la direction de différencier significativement les taxes d’études selon l’origine de l’étudiant·e, le président de l’EPFL n’a-t-il pas participé à cette politique
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Rallonger les études engendrerait des coûts bien plus importants que le peu gagné en augmentant les frais d’écolage.
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de stigmatisation et de discrimination des étrangères ?
On peut ajouter finalement que l’instauration d’une différenciation des taxes d’études entre étudiant·e·s suisses et étudiant·e·s de l’UE risque d’envenimer la situation actuelle ; en effet, les autres pays de l’UE n’auront alors aucune raison de ne pas suivre la même logique. Les échanges à l’étranger ne seront pas seulement rendu plus difficiles et plus chers suite à l’exclusion de la Suisse du programme Erasmus, mais ils risquent également de devenir encore plus coûteux, et donc d’autant plus réservés aux étudiant·e·s les plus favorisé·e·s. En souhaitant augmenter ces taxes d'études, les EPF risquent surtout de rendre une reprise des négociations pour une collaboration scientifique et académique avec l'Europe d’autant plus difficile, pour un apport d'argent dérisoire en
comparaison.
Si vous souhaitez agir, contactez vos conseillers nationaux pour leur faire savoir que les étudiant·e·s sont mobilisé·e·s contre cette motion !
Vous trouverez les adresses mails des conseillers nationaux sur notre groupe Facebook : https://www.facebook.com/groups/MOCAT/