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Le jet d'eau teinté de rouge pour attirer l'attention sur la journée de la Justice internationale et la Syrie!

Hier soir, le jet d'eau est illuminé de rouge à l'occasion de la journée de la justice internationale et la Syrie. Cet événement, lancé à l'initiative de l'association Trial, sera une manière de commémorer l'adoption le 17 juillet 1998 du Statut de la Cour pénale internationale. Cette dernière a fêté récemment ses 10 ans d'activité, elle était née en juillet 2002.
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Discours Philip Grand (TRIAL)


Nous commémorons aujourd’hui la Journée de la justice internationale.

Le 17 juillet 1998, à Rome, une longue conférence diplomatique se terminait par l’adoption d’un texte révolutionnaire. Le Statut de la Cour pénale internationale.

Dans les jours précédents, des milliers de personnes étaient sorties dans les rues de Rome, au son du klaxon, pour manifester leur joie. Dans d’autres pays, du Brésil à la France, de la Croatie à l’Argentine, des dizaines de milliers de personnes faisaient part de leur espoir de manière très vocale.

Leur espoir de quoi? Que leur équipe nationale remporte la coupe du monde de football.

De justice internationale, de la création de la première cour permanente à même de juger les auteurs, présidents, ministres ou généraux, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide, il n’en était presque nul part question en cet été 1998.

Et pourtant, l’espoir était aussi au rendez-vous de la justice. Très rapidement, en moins de 4 ans, plus de 60 Etats avaient déjà ratifié le statut de la Cour pénale internationale. Incroyable, inattendu, ce soutien d’une large part de la communauté internationale à la lutte contre l’impunité permettait en juillet 2012 à la Cour d’ouvrir ses portes. Nous fêtons donc cette année son dixième anniversaire. Et 60 Etats supplémentaires ont rejoint depuis la cour, portant à 121 Etats le nombre de membres.

La Cour pénale internationale, vous le savez, fait face à de nombreux défis. Elle vient de rendre son premier jugement, après 10 ans. Historique, car il porte sur l’emploi et le recrutement d’enfants soldats. Mais c’est peu. Plusieurs procès sont en cours. De nombreuses personnes ont été mises en accusation, dans 7 pays différents (RDC, RCA, Soudan, Libye, Côte d’Ivoire, Ouganda, Kenya) et des enquêtes sont en cours dans plusieurs autres, notamment la Colombie ou la Géorgie. Je l’ai dit, c’est tout de même peu. Mais c’est un début. La tâche est gigantesque, et les critiques sont évidemment aisées. Ce que l’on ne pourra jamais quantifé, c’est le nombre de souffrances évitées parce que des tyrans ont la crainte de finir dans le box des accusés.

La CPI, quoi qu’il en soit, ne peut tout faire. Elle ne doit pas tout faire. Le rôle de la CPI n’est que subsidiaire à l’action des juridictions nationales. Ainsi, comme l’affirme le préambule du Statut de Rome, «il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux». Les Etats doivent en effet  être en première ligne du combat contre l’impunité: ils doivent se doter d’un arsenal juridique à même de pouvoir efficacement poursuivre les bourreaux, selon le principe de la compétence universelle, qui permet de poursuivre des individus pour des actes commis en dehors du territoire où ceux-ci sont poursuivis. Une fois ces lois adoptées, les Etats doivent se donner les moyens de les appliquer et mener des enquêtes efficaces.

Cela vaut pour la Suisse, comme pour les autres pays.

Regardez autour de vous. Est-il possible qu’aux abords de cette rade si belle et paisible ce soir, un ancien chef de milice, un ancien tortionnaire de commissariat, un ancien haut gradé d’un régime brutal admire le même jet d’eau que nous? Et bien c’est possible. Il n’y a pas de chiffres en Suisse. Mais il y en a à l’étranger.

En Grande-Bretagne, le Home office a récemment indiqué que 700 suspects y auraient trouvé refuge. Les Pays-Bas pour leur part ont indiqué que plusieurs douzaines de suspects rwandais se trouveraient chez eux, sans même parler de ressortissants d’autre pays.
Alors qu’en est-il chez nous?

Il y a douze ans, un bourgmestre rwandais était condamné par la justice suisse à 14 ans de prison pour sa participation au génocide. C’est la seule affaire qui ait donné lieu à une condamnation en Suisse. Est-ce à dire que sur notre territoire, rare, très rares sont les tortionnaires ou les criminels contre l’humanité à trouver refuge ou à y passer leurs vacances? Certainement pas.

Plusieurs exemples, concernant des Rwandais, des Irakiens, des Algériens, des Libyens et d’autres encore viennent démontrer que des auteurs de crimes graves viennent en Suisse, soit temporairement, soit plus durablement.

TRIAL, qui fête également ses 10 ans cet été, effectue un travail qui ne concerne pas prioritairement la Suisse, sur la Bosnie-Herzégovine, le Népal, le Burundi, l’Algérie, la Tunisie, le Kenya, le Mexique, et d’autres. TRIAL garde toutefois un oeil ouvert sur ce qui se passe ici, sur ceux qui passent ici. En 10 ans, ce sont une douzaine de procédures qui ont été enclenchés par l’organisation, aboutissant parfois à des classements honteux de la part des autorités, voire même à des fuites permettant au suspect de s’enfuir. Aboutissant parfois à une renonciation à venir, comme ce fut le cas de George W. Bush l’année passée. Mais aboutissant aussi à des enquêtes, dont certaines sont en cours actuellement.

Et des enquêtes, TRIAL continue à en mener. Certains d’entre nous partent sur le terrain, par ex. en Bosnie, par ex. dans ... hum, dans d’autres pays que ne je peux pas citer, pour récolter des preuves, rencontrer des témoins et des victimes, collaborer avec des avocats ou des organisations sur place. Plusieurs autres affaires sont en cours, qui aboutiront à des plaintes ici en Suisse, mais aussi de plus en plus à l’avenir, dans des pays voisins.

Pour que ces affaires aboutissent, il faut que les autorités judiciaires et politiques soient réceptives, se donnent les moyens d’agir, de collaborer avec les collègues étrangers, mais aussi de collaborer entre services de police, entre procureurs et services d’immigrations. Il y a certainement quelques requérants d’asile qui ont commis des atrocités et qui se retrouvent chez nous. Mais il y a énormément plus de victimes qui trouvent refuge ici. Que fait-on de leurs témoignages, de leurs histoires, lorsqu’elles racontent des atrocités qui pourraient, et cela arrive, déboucher sur des poursuites pénales contre des suspects présents ou de passage en Suisse ou dans des pays tiers. Comment exploiter plus rationnellement ces informations?

Il y a quelques mois, 10’000 personnes demandaient par pétition la création d’une unité spécialisé au sein des autorités fédérales pour traquer et poursuite les auteurs de crimes internationaux. On commence à être entendu, et les choses bougent gentiment à Berne. Il va le falloir, et très rapidement. Regardez du côté de Damas. Le régime vacille, les piliers du pouvoir que sont l’armée et la police vont être amenés à rendre des comptes. Et il parait évident que des centaines ou des milliers de bourreaux vont mettre les voiles, trouver refuge ailleurs et pour certains, peut-être, probablement en Suisse. A ce moment-là, comptez sur TRIAL pour se placer clairement du côté des victimes, contre la barbarie, et pour plus de justice.

Dans quelques minutes, le jet d’eau va s’allumer de rouge. Rouge évidemment comme le sang qui coule à Damas aujourd’hui même, comme il a coulé par le passé à Sarajevo, à Kigali, au Kurdistan, en Birmanie, en Ituri, en Côte d’Ivoire, en Irak, au Darfour ou ailleurs. Mais rouge également comme la colère qui anime les artisans de la justice internationale, que ce soit à l’intérieur des instances internationales, comme la CPI, ou au sein de la société civile, comme chez TRIAL. C’est colère rouge devant la barbarie du monde, mais cette colère saine qui aboutira à l’infamie peu à peu recule devant la force et la puissance du droit.

Bon dixième anniversaire à la CPI, bon dixième anniversaire à TRIAL, et bon courage à tous pour les combats à venir.
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Photos: Demir SÖNMEZ

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