Le meurtrier de Hrant Dink condamné à 22 ans et 10 mois de prison
Un tribunal d'Istanbul a condamné lundi à près de 23 ans de prison le meurtrier du journaliste turc d'origine arménienne Hrant Dink, dont l'assassinat en 2007 avait bouleversé la Turquie et soulevé une vague de critiques sur l'incapacité de l'Etat à assumer son devoir de protection.
Le tribunal, une cour d'assises pour enfants, a dans un premier temps condamné Ogün Samast à la prison à vie, puis a réduit sa peine à 21 ans et demi du fait qu'il n'était pas majeur au moment des faits. Mais il l'a aussi condamné à 16 mois de prison supplémentaires pour possession illégale d'arme.
Chômeur originaire de Trabzon (nord-est), Samast avait 17 ans quand il a abattu Hrant Dink le 19 janvier 2007 devant les locaux de l'hebdomadaire bilingue turco-arménien Agos, que celui-ci dirigeait, à Istanbul.
Cet attentat avait créé une onde de choc à travers la Turquie, et quelque 100.000 personnes avaient assisté aux obsèques du journaliste, qui plaidait pour la réconciliation entre les Turcs et les Arméniens au regard de leur passé sanglant.
Dink était cependant la bête noire des milieux nationalistes, qui lui en voulaient d'avoir employé pour le massacre des Armémiens sous l'Empire ottoman le terme de "génocide", qu'Ankara rejette farouchement.
Le meurtre avait aussi donné lieu à des accusations contre les services de sécurité, informés des menaces qui pesaient sur Dink mais qui ne sont pas parvenus à assurer sa sécurité.
Un tribunal a ainsi condamné le mois dernier un colonel de gendarmerie et cinq autres gendarmes de Trabzon à des peines allant de quatre à six mois de prison pour négligence en lien avec le meurtre de Dink.
A l'issue du procès, les avocats de la partie civile se sont dits satisfaits du verdict.
"La Cour a rendu un verdict qui est proche de la plus lourde sanction possible", a déclaré Me Fetiye Cetin à des journalistes.
"Cette punition est importante pour empêcher que de tels actes mettant en danger notre capacité à vivre ensemble se répètent", a-t-elle ajouté.
Lors de précédentes audiences, Ogün Samast a reconnu avoir abattu Dink parce qu'il était un "ennemi des Turcs".
Lundi, peu avant que la cour rende son verdict, l'accusé a mis en avant sa mauvaise éducation et a affirmé qu'il avait été manipulé par la presse.
"Où est-ce que j'ai entendu parler d'Agos ? Où est-ce que j'ai entendu parler de Hrant Dink, le traître à la patrie ? Dans (les journaux) Vatan et Hürriyet !" s'est écrié Ogün Samast.
Six mois avant sa mort, Dink avait été condamné à six mois de prison pour "insulte à l'identité turque" en raison d'un article sur la mémoire collective des massacres d'Arméniens de 1915-1917. Il avait alors été pris à partie par de nombreux quotidiens.
Bien que l'accusé ait admis le meurtre, son avocat, Me Levent Yildirim, a demandé en vain l'annulation du procès, arguant que le statut de mineur de son client n'avait pas été reconnu dès le début de la procédure.
Les poursuites concernant Samast ne sont pas closes, puisque celui-ci est également jugé pour sa participation à une organisation terroriste, avec 18 de ses complices supposés.
Les proches de Hrant Dink espèrent que ce deuxième procès sera l'occasion de faire la lumière sur le rôle joué par les forces de sécurité et de prouver la détermination de l'Etat turc à faire respecter l'état de droit.
Les procureurs affirment que la police avait connaissance dès 2006 d'un complot visant à tuer le journaliste, orchestré depuis Trabzon.
En septembre, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) avait estimé que les autorités turques n'étaient pas parvenues à prendre les mesures appropriées pour protéger Dink, et prévenir son assassinat. (AFP, 25 juil 2011)