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Lettre de la prisonnière politique Güler Zere, peut-être la dernière !

 

Lettre de la prisonnière politique

Güler Zere,

peut-être la dernière !

 

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Lettre de Güler Zere

Bonjour,

 

 

En ce moment, quelque part dans la nuit, j’entends votre voix, une fois de plus.

 

 

Comme votre voix me parvient, je sais que vous entendez la mienne. Vos battements de cœur se mêlent aux miens. Et c’est un cœur immense qui naît sous mon flanc gauche.

 

 

Le cœur… comme il est plein notre cœur… Que n’avons-nous pas réussi à contenir dans nos coeurs.

 

 

Dans mon cœur, il y a tant de choses. Tout d’abord, le grand bien aimé, puis nos parfums d’œillets, ceux qui sont à mon chevet et dont l’odeur s’est mêlée à celui des fleurs des montagnes, vous, les âmes qui me sont chères, tous ceux que j’aime, toutes les choses que j’ai laissées à moitié, tous ceux dont je ressens l’affection...

 

 

A chaque fois que mon cœur se resserre, que mon corps se tord de douleur, je vous ressens au bout de mes doigts, vos yeux effleurent les miens, cette petite cellule se mêle à la multitude et une polyphonie vocale en jaillit. J’en demeure pétrifiée. Je réponds à chaque son par un sourire. De manière involontaire, spontanée. Et vous accueillez chaque râle qui s’arrache de mes entrailles avec vos yeux souriants.

 

 

Que vous soyez à mon chevet, sur le pas de ma porte, à un pas de moi, dans la rue, dans n’importe quelle ville, que vous soyez assis devant l’Institut médicolégal ou ailleurs, je vous ressens. Votre chaleur, votre force et vos voix m’enlacent. C’est pour cela que je garde la tête haute à chaque fois que le mal me traque. C’est grâce à cela que je me prête à lui faire un croche-pied. Vous êtes avec moi, dès lors, qu’importe le reste !

 

 

Lorsqu’au détour d’un court chemin, vos yeux croisent les miens, mon cœur s’affole comme un moineau.

 

 

Oui, c’est de vous que je parle, mes cœurs braves aussi ardents que les canicules d’Adana aux yeux aussi étincelants que le reflet de la lune dans le fleuve Seyhan. Je vous aime. Vous ne campez pas devant ma porte, mais au beau milieu de mon coeur.

 

 

Et puis il y a ceux qui attendent, assis, dans la ville de mon combat. Vous êtes là depuis des jours et qui sait le nombre de fois que je me suis étendue vers vous ? Je m’allonge et vous atteins en touchant votre espérance. Vous savez, cet état de sublimation où la voix de vos cœurs se mêle à la sueur de vos yeux. Je suis sans cesse avec vous. A tel point que c’est en me multipliant que je m’en retourne à ma cellule. Et à chaque fois, c’est avec votre force que je terrasse ma cellule. J’enlace vos mains de tout mon cœur, de toutes mes forces.

 

 

Et puis il y a ceux qui se trouvent dans les profondeurs tumultueuses de mon âme. Ceux qui inlassablement viennent à moi, la plume chargée de tendresse, de camaraderie, d’amitié. Eux, les coursiers de l’espoir. Ces camarades qui sont l’âme de mon âme. Comment exprimer la douleur engendrée par votre absence ? Vous me manquez tant. Je vous aime tant...

 

 

Et puis, il y a tous nos amis dans ce combat. Vous, dont le cœur amical a toujours été à mes côtés. Vous n’avez cessé de faire ressentir votre présence. En joignant votre voix à la mienne, vous m’avez empli de ce sentiment particulièrement réconfortant que procure la présence d’un ami dans le combat. Je vous envoie un sourire amical empli d’amour et de lutte... Saluts à vous tous.

 

 

Quoique je dise ou que je fasse, cela sera insuffisant, incomplet, je le sais. Le mieux est donc que je prenne congé de vous ici même. Mais je garde les yeux plantés dans les profondeurs de vos yeux afin que vous voyiez la profondeur de l’amour que je vous porte. En finissant ma lettre, je veux le redire : je vous aime, je vous aime tant !

 

 

Güler Zere

 

 

1er septembre 2009

 

Hôpital de Balcali, Adana

 

 

 

 

 

Nous publions une lettre de Güler Zere, prisonnière du DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple), d’origine kurde, âgée de 37 ans, capturée en 1995 lors d’une opération de ratissage de l’armée visant la guerilla du DHKP-C dans les montagnes du Dersim, condamnée par la Cour de sûreté de l’Etat (DGM) de Malatya à perpétuité en tant que membre du mouvement marxiste, incarcérée depuis 14 ans, atteinte d’un cancer terminal à la bouche et libérable pour raisons de santé mais arbitrairement maintenue en détention alors que les militaires putschistes du réseau fasciste « Ergenekon » accusés de vouloir renverser le gouvernement AKP ont récemment été libérés pour de simples maux de tête après seulement quelques semaines de détention.

 

 

Güler Zere a écrit cette lettre le 1er septembre 2009 depuis l’hôpital de Balcali (Adana, sud de la Turquie) où elle est soignée en captivité. Cette lettre est adressée avant à ces amis et camarades qui campent devant l’hôpital, à ceux qui tiennent un sit-in devant l’Institut médico-légal à Istanbul mais aussi à ces innombrables soutiens qui luttent pour sa libération.

 

Güler est mourante. Güler ne peut plus se nourrir. Güler ne peut plus parler.

 

 

Elle peut encore juste nous écrire. Mais pour combien de temps encore ?

 

 

A cet Etat cruel qui l’a laissé mourir à petits feux, nous disons haut et fort :

 

 

Laissez-là au moins mourir sans menottes aux poings !

 

 

Laissez-là mourir libre !

 

 

(comitedeslibertes@gmail.com, le 3 septembre 2009)

 

 

http://www.info-turk.be/373.htm#Lettre

 

 

www.assmp.org

 

 

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