Berfo Ana est morte jeudi matin à l'aube à l’âge de 105 ans. Elle a passé plus du dernier tiers de sa vie à chercher son fils disparu, et probablement mort sous la torture, au moment du coup d'Etat de 1980. Elle était devenue la figure emblématique des « mères du samedi » qui se réunissent chaque semaine devant le lycée de Galatasaray à Istanbul pour réclamer des nouvelles de leurs enfants disparus.
Cette très vieille dame était devenue, par son obstination, un symbole du désir de justice qu'entretiennent encore des centaines de parents de disparus. Sa mort, ce jeudi 21 février, a suscité une grande émotion en Turquie.
Sentant la mort approcher, ces derniers mois, « Berfo Nine » - comme on la surnommait - avait prévenu qu’elle ne voulait ni funérailles, ni sépulture, tant que les restes de son fils ne lui auraient pas été restitués. Elle réclamait pour lui une tombe, sur laquelle elle pourrait se recueillir.
La mère la plus opiniâtre de Turquie
Le 13 septembre 1980, soit au lendemain du coup d’Etat du général Kenan Evren, son fils Cemil Karabayir a été interpellé et emmené en garde à vue. Et puis, plus rien. Sauf quelques témoignages, sur les tortures infligées à son fils.
Depuis, la mère la plus opiniâtre de Turquie n’avait jamais cessé de réclamer la vérité sur la mort de son fils. Des centaines de fois, elle avait participé aux sit-in des « mères du samedi » qui, comme elle, cherchent toujours à savoir.
Il y a deux ans, elle avait obtenu une audience auprès du Premier ministre, pour lui demander d’apaiser son chagrin. En avril dernier, superbe pied de nez : elle était venue témoigner devant le tribunal jugeant le putschiste de 1980, Kenan Evren. Ce dernier, arguant de sa maladie, a refusé de comparaître.
L’inconsolable et infatigable Berfo s’est finalement éteinte après 33 ans de quête, sans que l’Histoire lui rendent les comptes qu’elle lui réclamait. Il n’est pas sûr qu’elle repose en paix. (www.rfi.fr/europe, 21 fév 2013)