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Lettre aux représentants de la Turquie en Suisse

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Genève, le 4 novembre 2016

Concerne : Libération immédiate de Figen Yuksekdag, députée et de Selahattin Demirtas, député, co-présidents du parti HDP, actuellement détenus arbitrairement, et de tous les élus nationaux, régionaux et locaux actuellement également détenus arbitrairement

Mesdames et Messieurs les représentants de la Turquie en Suisse,

Je vous écris en ma qualité de démocrate convaincu, empreint de la Charte des droits de l’homme qui fonde le socle des valeurs communes à l’ensemble des peuples d’Europe y compris les peuples turc et kurde.

Je vous écris en ma qualité de membre du Parlement suisse, démocratiquement élu, et co-président du Groupe parlementaire droits humains et du Groupe parlementaire pour les relations avec le peuple kurde.

Je vous écris car je suis sidéré, profondément choqué, par le brutal démantèlement par votre Présidence et votre gouvernement des divers piliers de la démocratie dans votre pays prétendument en réaction à la tentative - heureusement échouée - du coup d’Etat militaire.

Je vous écris car la révocation massive, voire l’incarcération, de procureurs, de juges, de policiers, d’enseignants et de fonctionnaires divers, la mise au pas des recteurs d’université et des universités, l’arrestation de très nombreux journalistes, la fermeture d’innombrables médias, dont quasiment la totalité de ceux de la communauté kurde de votre pays, ainsi que la révocation et l’incarcération d’élus locaux et nationaux kurdes pour écraser toute contestation du discours politique majoritaire et l’émergence d’une autre voie politique pour le pays, est tout simplement inacceptable,

Je vous écris car en tant que parlementaire, je ne peux accepter que les élus d’un peuple, ici turc et kurde, qui avaient choisi délibérément la voie politique, plutôt que celle des armes, pour trouver une issue pacifique et politique à un différend culturel, social et politique, vieux de décennies, soient arrêtés pour des motifs manifestement politiques.

Je vous écris pour vous demander la libération immédiate de tous les élus et plus particulièrement de Figen Yuksekdag, députée, et de Selahattin Demirtas, député, coprésidents du parti HDP, qui sont actuellement en prison uniquement pour avoir tenu tête politiquement au Président de votre pays, pour avoir su s’attirer les sympathies électorales du peuple kurde et avoir fait perdre la majorité qualifiée au parlement au parti présidentiel.

Je vous écris pour vous rappeler que la voie militaire pour la résolution du différend culturel, social et politique entre l’Etat turc et la communauté kurde de votre pays est un choix sans issue comme le montre l’histoire récente et qui s’il n’amènera jamais la paix, il générera morts, larmes et douleurs dans les populations civiles et dans les familles des militaires tués au front interne.

Je vous écris car le cycle infernal de la violence ne peut que stimuler la commission d’attentats terroristes sur votre territoire, touchant la population civile, alors que jusqu’à peu, pendant la durée des négociations entre l’Etat turc et M. Abdullah Ocalan, une paix, certes fragile, s’était installée dans la région kurde de Turquie,

Je vous écris car je suis persuadé qu’il est toujours possible dans toutes les situations de confrontation politique ou armée de choisir le chemin de la médiation et de la négociation et d’en sortir grandi.

Je vous écris pour que vous transmettiez ce courrier à votre Président, à votre Premier ministre et au président du Parlement pour qu’il en donne lecture aux députés de votre pays.

Avec mes plus sincères préoccupations pour toutes les victimes civiles, les dizaines de milliers de personnes jetées en prison et l’avenir de la démocratie dans votre pays.

Carlo Sommaruga
Député au Parlement suisse

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