A Silopi, près de 10 000 manifestants, selon une information de la presse kurde, se sont rassemblés pour dénoncer les opérations militaires qui, dans la région, s’intensifient. Organisée par la section locale du BDP ( parti pro kurde qui a remplacé le DTP) à la frontière de Habur (point de passage entre la Turquie et l’Irak), la manifestation pacifique a été perturbée par les forces de l’ordre turques qui ont attaqué les manifestants, faisant des dizaines de blessés parmi lesquels des députés kurdes.
Sevahir Bayindir, députée kurde de Şırnak, a ainsi été hospitalisée pour une fracture à l’os iliaque. Transportée à l’hôpital public de Mardin puis à l’hôpital d’Ankara, la jeune femme a subit une opération chirurgicale et ne devrait pas pouvoir se déplacer pendant au moins six mois.
Une intervention brutale dénoncée par les membres du BDP :
L’intervention brutale des forces de l’ordre turques a été dénoncée par les députés du BDP qui ont accusé le gouvernement turc de mener une politique semblable à celle de l’Etat israélien, régulièrement dénoncé par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan dans le cadre du conflit israélo- palestinien. “Monsieur le Premier ministre et les membres de l’Assemblée nationale turque doivent condamner l’offensive menée à Silopi, eux qui dénoncent l’assaut menée par l’armée israélienne contre les civils” a déclaré Akin Birdal, député de Diyarbakir et membre de la Commission parlementaire pour les Droits de l’Homme.
Portant le sujet devant l’Assemblée nationale turque, Akin Birdal a interpellé les députés. ” Cette manifestation, autorisée par le préfet, n’avait même pas commencé que les forces de l’ordre ont attaqué les manifestants avec des gazs lacrymogènes, des jets d’eau et des matraques. Elue de Şırnak, Sevahir Bayindir a reçu plusieurs coups de matraque. Blessée, elle a été transportée à l’hôpital pour une fracture aux hanches. Les attaques faites à nos députés ne les concernent pas seulement. Cette attaque est une attaque contre l’Assemblée nationale de Turquie. C’est une attaque faite contre la démocratie, c’est une attaque faite contre une manifestation pacifique et démocratique protégée par les dispositions juridiques internationales, c’est une attaque faite contre les Droits de l’Homme” leur a-t-il expliqué.
L’homme politique fait le lien entre la période actuelle et celle qui précède le coup d’Etat du 12 septembre 1980, considérant les attaques et les lynchages dont sont victimes les universitaires, étudiants, prisonniers, citoyens et politiciens kurdes comme la manifestation du désordre et chaos voulu par certains. Mettant en garde l’Assemblée nationale turque du chaos qui pourrait l’emparer, Akin Birdal a exigé une ferme condamnation de la part des députés.
Le gouvernement turc et le “terrorisme d’Etat” :
Bengi Yildiz, député qui préside le groupe parlementaire du BDP, a quant à lui dénoncé “le terrorisme d’Etat” de la Turquie – renvoyant ainsi au Premier ministre turc un qualificatif qu’il a récemment employé contre la politique israélienne. ” Il a défendu l’idée selon laquelle la politique israélienne relevait du terrorisme d’Etat, que les attaques contre les civils, les enfants et les femmes étaient cruelles et qu’elles manifestaient une absence de conscience. Mais le gouvernement du Premier ministre agit de la même manière avec ces propres citoyens – il ne s’agit même pas d’étrangers- et ne s’en offusque pas. Faut-il que l’Etat en question soit l’Etat d’Israël et qu’il y ait à sa tête Sharon pour que la politique employée soit qualifiée de terrorisme d’Etat ? [...] Aujourd’hui, sous l’autorité de l’AKP, les femmes kurdes, les enfants, les maires, les députés reçoivent des balles à blanc et sont blessés pour avoir simplement manifester” s’est-il écrié. ” Le Premier ministre doit se débarrasser de ce deux poids, deux mesures. Il doit concevoir que c’est là du terrorisme d’Etat” a-t-il continué.
7 juin 2010