2009 Rapport annuel des violations des droits syndicaux
Aggravation de la situation des droits syndicaux dans le monde
- 76 syndicalistes assassinés en 2008
- Des milliers de licenciements et d’arrestations
- Répression contre des travailleurs/euses en grève dans 40 pays
Selon l’édition de cette année du Rapport annuel des violations des droits syndicaux de la CSI, qui expose en détail les violations des droits fondamentaux des travailleurs dans 143 pays, 2008 a constitué une nouvelle année difficile et, dans la plupart des cas, dangereuse pour les syndicalistes aux quatre coins du monde. 76 syndicalistes ont été assassinés en raison de leurs actions de défense des droits des travailleurs/euses, et un grand nombre ont été agressés physiquement ou soumis à des actes de harcèlement, d’intimidation ou à des arrestations par les autorités. Le nombre total d’assassinats dans le monde a diminué par rapport à l’année antérieure, au cours de laquelle avaient été recensés 91 assassinats. Toutefois, le nombre d’assassinats en Colombie, connue pour être le pays le plus dangereux sur terre pour les syndicalistes, a augmenté, s’élevant à 49 – dix de plus par rapport à l’année antérieure – malgré les assurances d’amélioration de la situation données par le gouvernement du président colombien Álvaro Uribe
Outre le nombre consternant de victimes en Colombie, neuf syndicalistes ont été assassinés au Guatemala, où le nombre d’attaques violentes à l’encontre de représentants et de membres syndicaux a augmenté au cours des dernières années. Quatre syndicalistes ont été assassinés aux Philippines ainsi qu’au Venezuela, trois au Honduras, deux au Népal et un en Irak, au Nigeria, au Panama, en Tunisie et au Zimbabwe, où le régime de Mugabe a poursuivi son règne de la terreur à l’encontre du mouvement syndical du pays. Dans bien des cas, les gouvernements ont été directement ou indirectement impliqués dans les assassinats. 50 menaces de mort graves ont au total été enregistrées dans sept pays également, conjointement avec 100 cas d’agressions physiques dans 25 pays.
Les gouvernements dans au moins neuf pays (Birmanie, Burundi, Chine, Cuba, Iran, Corée du Sud, Tunisie, Turquie et Zimbabwe) ont été responsables de l’emprisonnement de syndicalistes en raison de leurs activités légitimes en faveur des travailleurs/euses.
« Les gouvernements dans chaque région ne protègent clairement pas les droits fondamentaux des travailleurs/euses et, dans plusieurs cas, ont été responsables de la forte répression de ces droits. Le fait que certains pays, notamment la Colombie, le Guatemala et les Philippines, apparaissent d’année en année sur la liste des assassinats démontre que les autorités sont au mieux incapables de garantir une protection et sont, dans certains cas, complices des assassinats avec des employeurs sans scrupules», a affirmé Guy Ryder, secrétaire général de la CSI.
Quelque 7.500 cas de licenciement de travailleurs/euses impliqués dans des activités syndicales ont été enregistrés dans 68 pays au total, dont 20 pays rien qu’en Afrique. Ces cas ne sont toutefois que la partie visible de l’iceberg dans la mesure où de nombreux autres licenciements ne sont pas rapportés. Le pays qui détient le record du plus grand nombre de licenciements a été la Turquie, où plus de 2.000 licenciements ont été rapportés et où le gouvernement est resté intolérant à l’égard des activités syndicales en général. Le deuxième pays sur la liste a été l’Indonésie, où 600 licenciements ont été recensés. Des centaines de travailleurs/euses ont également été licenciés au Malawi, au Pakistan, en Tanzanie et en Argentine.
En Birmanie, en Chine, au Laos, en Corée du Nord, au Vietnam ainsi que dans plusieurs autres pays, seuls des syndicats officiels contrôlés par l’État sont autorisés, alors qu’en Arabie saoudite de réelles activités syndicales demeurent pratiquement impossibles. Une intense ingérence du gouvernement dans les affaires syndicales s’est poursuivie au Belarus durant la majeure partie de l’année.
L’impact de la situation économique mondiale sur les droits des travailleurs/euses a constitué une caractéristique proéminente dans de nombreux pays. Plus particulièrement, une grande partie de la répression en Afrique a consisté en des réactions dures des gouvernements à l’encontre des travailleurs/euses cherchant à obtenir des améliorations salariales dans la mesure où ils ont été touchés par la crise alimentaire mondiale, à l’instar des nombres de plus en plus élevés de familles qui ne sont pas en mesure de se nourrir adéquatement. Il semble incroyable qu’un grand nombre des personnes les plus touchées soient justement des travailleurs/euses du secteur agricole. L’impact de la crise financière mondiale a commencé à se faire sentir fin 2008, exerçant ainsi une pression supplémentaire sur la sécurité de l’emploi, les salaires et les conditions de travail.
La tendance croissante à exploiter et à bafouer gravement les droits des travailleurs/euses dans les zones franches d’exportation (ZFE) dans le monde - qui était déjà caractéristique des années antérieures - s’est aggravée en 2008. Le Rapport mentionne 34 pays où la protection des travailleurs/euses dans les ZFE est inadéquate ou inexistante, notamment en Albanie, aux Bahamas, au Belize, au Costa Rica, au Guatemala, au Honduras, en Jamaïque, en Jordanie, au Mexique, au Nicaragua, en Pologne, en République dominicaine, au Salvador et au Sultanat d’Oman. 22 autres pays ont été choisis en raison de l’exploitation des travailleurs migrants qui généralement ne bénéficient même pas des droits les plus fondamentaux, et dont la situation les rend fréquemment les plus vulnérables à l’exploitation et aux abus.
« Des centaines de millions de travailleurs/euses, aussi bien dans les pays en développement qu’industrialisés, ne bénéficient pas des droits fondamentaux de liberté syndicale et de négociation collective. Pour bon nombre d’entre eux/elles, en particulier ceux/celles qui ont un emploi précaire, cette dénégation bouleverse leur vie, étant donné qu’ils travaillent pendant des heures extrêmement longues dans des situations dangereuses ou insalubres, en échange de salaires si bas qu’ils ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins ni à ceux de leur ménage. L’absence de respect des droits des travailleurs/euses a entraîné une hausse des inégalités dans le monde entier, contribuant ainsi à déclencher la récession mondiale » a affirmé Guy Ryder.
Les tendances inquiétantes en ce qui concerne les droits des travailleurs/euses dans les pays industrialisés sont également mises en exergue dans le Rapport, où le recours au travail en sous-traitance et aux agences de sous-traitance de main-d’œuvre est en hausse, sapant ainsi les revenus, les conditions et les droits au travail. Du côté positif, il convient de noter que les changements de gouvernement tant en Australie qu’aux Etats-Unis font espérer de nouvelles protections des travailleurs/euses dans ces deux pays, où les niveaux des dernières années s’étaient avérés extrêmement bas.
Les travailleurs/euses au Burkina Faso, au Kenya et au Mozambique ont également eu des raisons d’être optimistes, à la suite de l’adoption d’une nouvelle législation qui reconnaît et autorise la syndicalisation, tandis qu’aux Maldives, la nouvelle Constitution du pays garantit la liberté syndicale et le droit de grève.
http://survey09.ituc-csi.org/survey.php?&mode=pr&IDCont=0&Lang=FR
Turquie
Population: 71.893.000 / Capitale: Ankara
Conventions fondamentales de l'OIT ratifiées: 29 - 87 - 98 - 100 - 105 - 111 - 138 - 182
Les droits syndicaux ne sont pas encore pleinement reconnus en Turquie. Malgré quelques améliorations apportées au cadre juridique relatif à la liberté d’association, les droits d’organisation, de grève et de négociation collective doivent encore être mis en conformité avec les normes de l’UE et les conventions de l’OIT. Les syndicats continuent d’être confrontés à des obstacles à l’heure de mener leurs campagnes d’organisation, y compris le licenciement en masse de leurs membres et l’arrestation arbitraire suivie de procès fantoches contre leurs dirigeants. La police a usé de violence excessive à l’encontre de grévistes et de manifestants pacifiques.
Droits syndicaux dans la législation
Il y a eu très peu de progrès eu égard à la mise en conformité avec les normes internationales de la législation nationale concernant les droits des travailleurs et les libertés syndicales. La plupart des réformes n’en sont encore qu’au stade de projet, bien en retard par rapport à d’autres domaines législatifs qui ont déjà été modifiés en vue de l’accession possible de la Turquie à l’Union européenne.
Restrictions à la liberté syndicale: La liberté syndicale et le droit de constituer un syndicat sont consacrés par la loi, à la fois pour les ressortissants nationaux et les travailleurs étrangers. Certaines restrictions existent cependant.
Les articles 3(a) et 15 de la loi nº4688 sur les syndicats des employés de la fonction publique excluent plusieurs catégories de fonctionnaires du droit de liberté syndicale. L’article 3(a) ne l’accorde qu’aux employés ayant un contrat permanent et qui ne sont plus en période d’essai. L’article 15 énumère une série de travailleurs qui n’ont pas le droit d’adhérer à un syndicat: les avocats, les fonctionnaires civils du ministère de la Défense nationale et des forces armées de la Turquie, les employés des institutions carcérales, le personnel des forces spéciales de sécurité, les employés publics « à des postes de confiance », les présidents des universités et les directeurs des établissements d’enseignement secondaire, etc. Plus de 450.000 employés de la fonction publique sont exclus de la sorte.
La loi nº5620, adoptée en avril 2007, a apporté un amendement à l’article 3(a) de la loi relative aux syndicats des employés de la fonction publique, en vertu duquel les personnels travaillant sous contrat à durée déterminée ont, à présent, le droit d’adhérer à des syndicats des employés de la fonction publique. Bien que cet amendement étende le droit d’adhérer à un syndicat à de nouvelles catégories d’employés de la fonction publique, il ne fait rien pour rendre la législation turque conforme à la Convention nº87 en termes du droit de tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de former des organisations de leur choix et d’y adhérer.
La loi nº5672 adoptée en mai 2007 a introduit un amendement à l’article 14(4) de la loi syndicale, qui révoque la condition restreignant l’éligibilité pour l’accès aux fonctions syndicales aux employés ayant un minimum de dix ans d’ancienneté à leur actif.
Le projet de loi nº2821 (loi sur les syndicats) contient encore de nombreuses restrictions détaillées au droit de grève. Le projet de loi nº2822 (loi sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out) abolit l’obligation d’obtenir un certificat notarié pour les travailleurs qui souhaitent adhérer à un syndicat, mais pas pour ceux qui veulent en démissionner. Les travailleurs doivent rémunérer ce service. Les deux projets de loi remplaceront la législation existante dès qu’ils auront été votés au Parlement. D’ici là, les conditions de dix ans d’ancienneté et de citoyenneté turque s’appliqueront encore aux candidats à un poste syndical. Il n’y a pas eu de progrès tangible en 2008 concernant l’adoption de ces nouvelles lois, malgré l’annonce par le gouvernement à l’OIT, en janvier 2008, que l’adoption de la nouvelle législation était prévue pour le premier trimestre de 2008. Même après l’entrée en vigueur des deux projets de loi, la législation turque pertinente restera en infraction des Conventions 87 et 98 de l’OIT.
Activités restreintes: Les syndicats doivent obtenir une autorisation officielle pour organiser des réunions ou des rassemblements, et laisser la police y assister et enregistrer leurs débats. Les associations ne peuvent toujours pas utiliser d’autre langue que le turc dans leurs activités officielles. La loi sur les syndicats des employés de la fonction publique contient des dispositions détaillées sur les activités et le fonctionnement des organisations syndicales, ce qui est contraire aux principes de la liberté syndicale.
Un syndicat qui serait reconnu coupable d’infraction grave à la loi régissant ses activités peut être contraint de suspendre celles-ci ou de se mettre en liquidation sur ordre du tribunal du travail.
Restrictions à la négociation collective: Pour être reconnu comme agent de négociation, un syndicat doit représenter au moins 50% plus un des travailleurs d’une entreprise et 10% de l’ensemble des travailleurs du secteur concerné à l’échelon national. Un seul syndicat par entreprise – celui ayant le plus d’effectifs – est autorisé à négocier collectivement. Les recommandations du Comité de la liberté syndicale de l’OIT visant à amender la loi nº2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out pour la mettre en conformité avec certains principes fondamentaux applicables à la négociation collective et au droit de grève ont été prises en compte dans le nouveau projet de loi, qui doit encore être adopté.
Quant au secteur public, il n’est nulle part question de négociation collective dans la loi sur les syndicats de la fonction publique, qui parle en revanche d’« entretiens consultatifs collectifs ». La loi décrit en détail les enjeux sur lesquels ceux-ci peuvent porter, mais la liste se limite à des questions financières liées aux salaires et autres prestations, aux indemnités et aux primes. C’est très loin de la définition de la négociation collective que donne la Convention n°98 de l’OIT. Par ailleurs, le pouvoir de décision reste, de fait, entre les mains du gouvernement.
Importantes restrictions au droit de grève: Malgré une révision de la loi sur les syndicats des employés de la fonction publique, le droit de grève n’est toujours pas reconnu officiellement dans le secteur public. L’OIT a fait remarquer de manière réitérée que les sections 29 et 30 de la loi n°2822 sur le droit de grève sont incompatibles avec la Convention. L’OIT a rappelé que les restrictions au droit de grève dans le service public dépendent uniquement des tâches concrètes accomplies par les fonctionnaires concernés. Ces restrictions doivent, par conséquent, se limiter aux fonctionnaires qui exercent une autorité au nom de l’État et à ceux qui travaillent dans les services essentiels – dans le sens le plus strict du terme.
Les grèves de solidarité, les grèves générales, les grèves perlées et les occupations de lieux de travail sont toujours interdites. Des peines graves, de prison notamment, sont prévues en cas de participation à ces grèves. Toute grève non convoquée par un conseil exécutif syndical est interdite. Les grèves pour non-respect des conventions collectives du travail sont interdites.
Dans les secteurs où les grèves sont autorisées, il faut toutefois respecter un délai excessif (près de trois mois) à partir du début des négociations avant de pouvoir mener une action de grève et les syndicats sont en outre tenus de remplir toute une série de formalités précises. Il faut tout d’abord qu’il y ait eu une négociation collective. Si la décision de mener effectivement une action de grève est prise, l’employeur doit recevoir un préavis d’une semaine au moins. Les employeurs ont le droit de recourir au lock-out contre les grévistes, mais ils n’ont pas le droit d’engager des briseurs de grève ou de faire appel au personnel administratif pour effectuer le travail des grévistes. Ils n’ont pas non plus le droit de renvoyer des employés qui incitent à la grève ou y prennent part lorsque celle-ci est légale.
Il est interdit d’empêcher l’entrée de matières premières dans une usine ou la sortie de produits finis, tout comme d’empêcher le travail de ceux qui ne sont pas membres du syndicat. Seuls quatre ou cinq grévistes peuvent former un piquet de grève devant l’entrée de l’usine; il leur est interdit de planter une tente ou un abri quelconque et de pendre des banderoles où serait écrit autre chose que « lieu de travail en grève ».
L’adoption du projet de loi nº2821 entraînerait l’abrogation de plusieurs de ces restrictions; d’autres restrictions seraient néanmoins maintenues en vigueur.
Protection limitée contre la discrimination antisyndicale: La législation sur la sécurité de l’emploi ne s’applique qu’aux entreprises dotées d’un effectif de 30 salariés minimum. Par le jeu du recours à la sous-traitance et aux contrats à durée déterminée, près de 95% des lieux de travail comptent moins de 30 salariés.
Les amendes applicables aux employeurs qui ne respectent pas les droits syndicaux sont trop modestes pour être dissuasives. Les modifications apportées au Code civil devraient, cependant, remédier à cette faille. L’adoption et la mise en application du nouveau Code civil n’auraient dû être qu’une simple formalité, compte tenu de la majorité absolue détenue au parlement turc par le parti au pouvoir. Le fait que ce ne soit pas encore le cas montre bien à quel point la protection contre la discrimination antisyndicale n’est pas une priorité en Turquie.
Droits syndicaux dans la pratique et violations en 2008
Les droits syndicaux ne sont pas encore totalement reconnus: L’édition de novembre 2008 du rapport d’étape de la Commission européenne sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne constate que l’instauration des droits syndicaux continue de poser un problème. Il fait, notamment, référence à plusieurs rapports dénonçant des restrictions à l’exercice des droits syndicaux existants et des licenciements liés à l’affiliation syndicale et appelant la Turquie à veiller au plein respect des droits syndicaux, conformément aux normes de l’UE et aux conventions de l’OIT pertinentes, en particulier les droits d’organisation, de grève et de négociation collective. La part de la population active couverte par des conventions collectives reste faible.
Ingérence dans les affaires syndicales: Comme au cours des années précédentes, la Confédération syndicale des travailleurs de la fonction publique de Turquie (KESK) a dénoncé l’ingérence des autorités publiques dans ses propres statuts ainsi que dans ceux de ses organisations affiliées. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a considéré que la mention de termes comme négociation collective ou droit de grève dans les statuts des syndicats constituaient des atteintes à la loi relative aux employés de la fonction publique (PETU).
Obstacles à la négociation: Les syndicats indiquent que le gouvernement manipule les chiffres des effectifs ou prétend que des irrégularités ont été détectées dans ces chiffres afin de leur nier le droit à la négociation collective. L’obstruction à laquelle se livrent les employeurs n’est pas adéquatement sanctionnée, même lorsqu’une juridiction statue en faveur d’un syndicat.
Pressions pour contraindre les travailleurs à quitter leur syndicat: Un grand nombre de travailleurs et travailleuses sont victimes de discrimination pour le simple fait d’être membres d’un syndicat. Les mesures discriminatoires et les pressions exercées sur les travailleurs pour qu’ils renoncent à leur affiliation, y compris la mutation vers un autre lieu de travail, le plus souvent situé dans une autre ville, continuent de poser un problème.
Violence excessive de la police contre des manifestants pacifiques: A l’occasion de la fête du Premier mai, la police antiémeutes d’Istanbul a fait un usage disproportionné de la force contre un rassemblement syndical à la mémoire de 37 syndicalistes assassinés au même endroit en 1977 par des tireurs non identifiés. La manifestation, préalablement annoncée par les affiliées turques de la CSI - KESK, DISK et TÜRK-Is - a été interdite par les autorités. L’offensive policière a été suivie d’une descente dans les bureaux du syndicat DISK, qui ont été littéralement assiégés. L’immeuble lui-même a été condamné de sorte que plus personne ne pouvait y entrer ou en sortir. Du gaz lacrymogène a été lancé alors que les bureaux étaient de bondés de gens. Une jeune femme qui éprouvait des difficultés à respirer a été frappée à la tête par la police quand elle a tenté de sortir. Un grand nombre de personnes ont été blessées, des dirigeants des syndicats affiliés à la DISK et à la KESK ont été appréhendés et brutalisés par la police, qui empêchait, dans le même temps, les dirigeants de la DISK et de la KESK de gagner un lieu plus sûr.
Le 17 juillet, 2.000 membres du syndicat des travailleurs municipaux et généraux (Belediye-Is) affilié à l’ICEM, qui marchaient vers le siège de la Municipalité métropolitaine d’Istanbul pour y afficher une bannière annonçant leur grève légale, ont été repoussés par la police.
Licenciements de syndicalistes: Les employeurs du secteur privé ont tendance à passer outre à la législation. Ils ont fréquemment recours au licenciement collectif de travailleurs syndiqués pour saper ou détruire les syndicats.
Le 14 janvier, 32 membres du Syndicat des travailleurs de l’hôtellerie, de la restauration et du spectacle de Turquie (TOLEY-Is) ont été contraints de démissionner par la direction des Services sociaux et culturels des parcs et jardins BURFAS. 11autres adhérents du syndicat TOLEY-Is travaillant à la Direction des pensions de famille du secteur des enseignants (MEB), qui dépend du ministère de l’Education, ont subi le même sort.
En janvier, cinq membres du Syndicat des travailleurs des secteurs tabac, boissons, alimentation et connexes de Turquie (TEKGIDA-Is), affilié à la TÜRK-Is, ont été congédiés par la direction de la société Gidasa Piyale, à Bolu Hendek.
Egalement en janvier, huit autres membres du TEKGIDA-Is ont été licenciés par l’entreprise Kaynak Sulari ve Turizm A.S., à Sakarya. Après être allés en justice, seuls cinq d’entre eux ont été réintégrés.
Toujours au cours du même mois, la direction de Çaykur Enterprise, qui exploite 52 usines à travers la Turquie, a entamé des manœuvres pour forcer les travailleurs à adhérer à un syndicat connu pour être proche du gouvernement. Sur un effectif total de 14.000 employés, environ 9.500 étaient affiliés au syndicat TEKGIDA-Is, qui représentait les travailleurs de cette entreprise aux négociations collectives depuis plus de 50 ans. Dédaignant ces faits de la manière la plus brutale, le ministère du Travail a dépouillé TEKGIDA-Is de ses droits de négociation collective et a transmis ceux-ci aux syndicat jaune.
Dans une lettre adressée au premier ministre Erdogan, le 26 février, la CSI a dénoncé les obstacles auxquels s’affrontaient les travailleurs du chantier naval de Tuzla lorsqu’ils tentaient de s’organiser, au point que seul 10% d’entre eux sont affiliés à un syndicat. Cette situation est d’autant plus alarmante qu’au cours des huit mois qui ont précédé la lettre de la CSI, pas moins de 18 travailleurs ont trouvé la mort au chantier naval de Tuzla, pour cause de conditions de travail dangereuses et d’un dispositif inadéquat en matière de santé et de sécurité.
En mars, 40 membres du syndicat TEKGIDA-Is ont été congédiés par la compagnie LSG Sky Chefs Aviation Services Co., qui fournit ses services aux aéroports d’Ankara, d’Izmir, d’Antalya, d’Istanbul, de Dalaman et de Bodrum.
En août, six membres du TEKGIDA-Is ont été congédiés pour leur affiliation syndicale par le fabricant de fromage Bel Karper Peynir, à Çorlu.
Egalement en août, cinq membres du TEKGIDA-Is ont été licenciés dans l’usine de l’entreprise Burgaz Alcoholic Beverage Industry and Trade Company, à Kirikkale. Un recours en justice a conduit à la réintégration des cinq travailleurs.
En septembre, dix travailleurs de l’entreprise Öncel Oil Company, à Sivas, ont adhéré au syndicat TARIM-Is (affilié à TÜRK-Is), qui a subséquemment obtenu le statut d’agent de négociation collective. L’entreprise a immédiatement congédié les dix travailleurs.
Dix travailleurs affiliés au syndicat TEKGIDA-Is ont été licenciés dans l’usine de l’entreprise Tahsildaroglu Dairy Products Industry and Trade Company, à Çannakale Bayramiç. Immédiatement après, l’entreprise a commencé à sous-traiter sa production en faisant appel à des fournisseurs extérieurs, pour empêcher les tentatives d’organisation du syndicat.
En décembre 2007, l’entreprise Yörsan Alimentary Products Industry and Trade Company, à Susurluk-Balikesir, a commencé à licencier des travailleuses et travailleurs affiliés au syndicat TEKGIDA-Is. En tout, 403 salariés ont été congédiés. En décembre 2008, un juge a ordonné la réintégration de tous les employés ou, à défaut, le versement par l’entreprise d’indemnités égales à 16 mois de salaires par travailleur. L’entreprise a tout simplement opté pour la compensation.
A partir de janvier 2007, la compagnie Çelikle, à Çorum, a systématiquement licencié des travailleurs affiliés au Syndicat des travailleurs des mines de Turquie (Türkiye Maden Isçileri Sendikasi). La direction exerce des pressions constantes sur les travailleurs pour les contraindre à quitter le syndicat et congédie ceux qui s’y opposent. A ce jour, 50 travailleurs ont été mis à la porte.
Le Syndicat des travailleurs de l’industrie automobile (TÜMTIS) est devenu la cible d’une campagne qui a inclus des licenciements arbitraires et de la violence armée contre ses membres, des arrestations fondées sur des chefs d’accusation falsifiés, la détention en l’absence de procès et la violation des droits de la défense. En novembre 2007, 18 dirigeants et membres du TÜMTIS ont été appréhendés. Sept d’entre eux, tous des dirigeants de la section d’Ankara, ont été maintenus en détention jusqu’en juin sans jamais comparaître au tribunal. En avril, 87 travailleurs des entreprises Çipa et Simsek Freight Services, toutes deux des fournisseurs exclusifs d’Unilever, ont été congédiés pour leur affiliation au syndicat TÜMTIS. Seuls 13 d’entre eux ont été réintégrés par la suite. Le 1er juin, 133 conducteurs d’autobus de la ville de Bursa ont été licenciés pour leur affiliation au syndicat TÜMTIS. En octobre, 256 conducteurs de bus de la ville de Gaziantep ont subi le même sort. Pendant ce temps, dans le port de Mersin, 60 membres du TÜMTIS ont été remerciés par l’entreprise Akansel Transportation, sous-traitant de la co-entreprise Akfen-Port of Singapore Authority.
En décembre 2007, 126 travailleurs de la municipalité de Çarsamba, dans la province de Samsun, affiliés au syndicat Belediye-Is, ont été licenciés et, par la suite, remplacés par des travailleurs appartenant à un syndicat pro-gouvernement. L’employeur a fait fi d’un jugement du tribunal du travail ordonnant la réintégration de tous les employés. En juillet, 60 autres membres du syndicat Belediye-Is ont été congédiés, cette fois dans les hôpitaux de Çapa et Cerrahpasa, tous deux des filiales de l’Hôpital universitaire d’Istanbul.
Au total, 116 travailleurs, tous affiliés au Syndicat des travailleurs des coopératives et des bureaux (KOOP-Is), ont été congédiés pour leur participation aux activités syndicales dans les magasins Praktiker, Bauhaus, Ikea et Adese, à Istanbul, Ankara, Izmir, Adana, Gaziantep et Konya.
En octobre, le syndicat des enseignants EGITIM-Sen, affilié à la KESK, qui a figuré dans nos Rapports annuels depuis plusieurs années consécutives, a vu son site Web bloqué par les autorités. Les 21 et 22 octobre, les bureaux de la section syndicale de Denizli ont fait l’objet d’une offensive policière au cours de laquelle une quantité importante de documents ont été emportés. Le syndicat s’est également vu interdire l’utilisation des écritoires à pince pour l’affichage d’annonces ou d’avis syndicaux dans la plupart des institutions publiques du pays, notamment dans les ministères de la Justice, du Travail et de la Sécurité sociale, de la Santé et de l’Education, sur lesquels le parti AKP au pouvoir exerce sa mainmise. D’autre part, un nombre important de dirigeants et membres de la section syndicale EGITIM-Sen ont été mutés à des postes différents, voire souvent dans des villes différentes, en raison de leur participation aux activités syndicales.
La KESK a relevé une recrudescence de la persécution à l’encontre des membres de son exécutif et des dirigeants de section. Deux dirigeants de syndicats affiliés ont été démis de leurs postes dans la fonction publique, nommément Bedriye Yorgun et Lokman Özdemir, respectivement président du Syndicat des employés de la santé et des services sociaux (SES) et président du syndicat DIVES.
Le cas le plus flagrant de licenciement arbitraire d’un dirigeant syndical est survenu en novembre, avec le limogeage de Meryem Öszögüt, chef du département juridique et des affaires féminines du SES. Mme Öszögüt a écoulé huit mois en prison pour le simple fait d’avoir assisté à une conférence de presse organisée par son syndicat, au cours de laquelle le meurtre de la militante syndicale Kevser Mizrak avait été dénoncé. Elle a été maintenue en détention sur la base de chefs d’inculpation inventés de toutes pièces l’associant à une « organisation terroriste ».
11 membres éminents de la KESK et d’organisations affiliées à la KESK, y compris son ancien président, Hakki Tombul, l’ancien président du syndicat EGITIM-Sen, Alaaddin Dinçer, et l’ancien président du BTS, Fehmi Kutan, risquent des peines de prison alors que leurs procès sont toujours en instance. Ces procès ont été intentés au lendemain de la « Grande marche des enseignants » organisée par EGITIM-Sen en novembre 2005.
En tout, 26 membres exécutifs des deux sièges de la KESK et de plusieurs de ses sections locales ont été mis en examen judiciaire. Par ailleurs, plus de 600 de ses membres ont dû se soumettre à des « enquêtes disciplinaires » pour avoir pris part à des activités syndicales.
Le 19 décembre, la direction de la compagnie Sinter Metal Technologies, dans la zone industrielle organisée de Dudullu, a invoqué de faux prétextes pour mettre à la porte 38 travailleurs qui participaient aux activités syndicales. Le lundi suivant, une majorité de 470 employés ont organisé un sit-in dans l’usine pour réclamer leur réintégration. La direction a répondu par un licenciement en masse dont seuls 50 travailleurs ont été épargnés. Le 23 décembre, la police a eu recours à la force pour expulser les travailleuses et travailleurs qui occupaient l’usine.
Dans l’usine de l’entreprise Kalibre Boru Sanayi Ve. Ticaret S.A., à Kocaeli, huit membres du syndicat BIRLESIK ont été mis à la porte le 15 décembre 2007. Les pressions et les menaces subséquentes de la direction ont contraint 89 autres membres du syndicat à se désaffilier. La situation s’est aggravée de plus belle le 11 janvier, lorsque les 50 travailleurs restants ont été informés qu’ils n’avaient d’autre choix que de quitter le syndicat ou perdre leur emploi. Subséquemment, 39 autres travailleurs ont été contraints de démissionner du syndicat.
En avril, le syndicat Teksif, affilié à la FITTHC, a entrepris une campagne d’organisation dans l’usine Venüs Giyim Sanayi ve Dis Ticaret A.S., à Düzce. Environ 25 travailleurs ont été congédiés. D’autres ont été convoqués dans les bureaux de la direction où on leur a demandé d’identifier sur des photos les travailleurs qui avaient assisté à des réunions syndicales. Un travailleur a été embarqué sous de faux prétextes dans une voiture de la direction en pleine nuit et interrogé deux heures durant à propos de ses activités syndicales. Lorsqu’il a porté plainte, l’un des gérants de l’usine l’a averti qu’il ne retrouverait plus jamais un emploi dans la ville, à moins de signer un démenti qui lui serait dicté mot pour mot.
Le 29 avril, dans la ville de Düzce, cinq travailleurs ont été congédiés dans l’usine Desa, spécialisée dans les articles de cuir. Ils étaient tous membres du syndicat Türkiye Deri-Is Sendikasi, affilié à la FITTHC, qui avait entamé une campagne d’organisation dans l’usine au cours du même mois. Le 30 avril, suite au refus de la direction de se réunir avec les dirigeants syndicaux, un groupe composé de dirigeants et de membres du syndicat brandissant des pancartes s’est mobilisé devant l’usine. La direction a fait appel à la police et tous les manifestants ont été détenus jusqu’à la fin de la journée. A partir du mois de mai, la direction de l’entreprise a commencé à faire pression sur les travailleurs pour les contraindre à abandonner le syndicat. Des hauts responsables ont été invités à s’adresser aux travailleurs de l’usine, y compris le directeur général et un colonel de l’armée turque, qui leur a lancé: « Les syndicalistes sont tous kurdes, pourquoi tenez-vous donc à vous joindre à eux? » Par la suite, 58 travailleurs ont été congédiés et 53 ont été contraints de démissionner du syndicat. En juillet, Deri-Is a saisi le tribunal du travail de Düzce de 38 causes. Lorsque l’employeur a affirmé que le syndicat n’avait pas de représentation au niveau de l’usine, le syndicat a soumis un relevé attestant formellement de son affiliation dans l’usine. Ces documents ont ensuite été transmis à l’avocat de Desa. L’entreprise a brandi les documents devant les travailleurs en disant que leur syndicat vendait leurs noms à l’employeur.
En octobre 2007, le syndicat Öz Iplik-Is, affilié à la FITTHC, a soumis une demande en vue de l’obtention de droits de négociation à l’entreprise Ekoten Textile, à Izmir. Juste avant le dépôt de la demande, l’entreprise a congédié 42 employés connus pour leur soutien au syndicat. Les travailleurs ont été contraints de signer deux documents séparés: l’un déclarant qu’ils avaient été congédiés et l’autre déclarant qu’ils démissionnaient de leur propre gré, dans quel cas ils n’auraient droit à aucune compensation. Les travailleurs ont, du reste, été avertis qu’ils ne recevraient pas de compensation s’ils ne signaient pas les deux documents. L’entreprise a, ensuite, procédé au remplacement des travailleurs ainsi congédiés. Dans une lettre adressée à la direction de l’entreprise, en date du 7 février, la FITTHC a exhorté celle-ci à réintégrer les travailleurs et à amorcer des négociations en toute bonne foi avec le syndicat Öz Iplik-Is. En guise de démenti, l’entreprise a affirmé que la plupart des travailleuses et travailleurs concernés étaient criblés de dettes et que ce serait leur rendre un mauvais service que de les priver de la possibilité de repayer leurs dettes par une mise en congé avec compensation. En septembre, la FITTHC s’est mise en rapport avec les marques identifiées comme étant des clientes de cette usine. Ekoten n’a pas répondu à la demande d’entretien qui lui a été adressée.
http://survey09.ituc-csi.org/survey.php?IDContinent=4&IDCountry=TUR&Lang=FR
Demir SONMEZ
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