Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LETTRE OUVERTE ;Salon international du livre et de la presse à Genève

La Turquie invitée d'honneur :la liberté de la presse en danger





LETTRE OUVERTE

 

Salon international du livre et de la presse à Genève

 

La Turquie invitée d'honneur :

la liberté de la presse en danger

 

 

C'est avec indignation que nous avons appris l'invitation de la Turquie comme invitée d'honneur au 23ème Salon international du livre et de la presse de Genève (22 - 26 avril 2009 à Palexpo).

En effet, il est incompréhensible qu'un Etat aussi irrespectueux que la Turquie de la liberté d'expression et de la presse soit invité à un événement qui se veut le symbole de ces libertés.

Faut-il le rappeler, les autorités turques continuent à persécuter les écrivains, journalistes, militants de la cause kurde ou arménienne, défenseurs des droits humains et des minorités ?

A titre d'exemple, pendant la seule période de juillet à septembre 2008, 116 personnes dont 77 journalistes ont été poursuivies en justice[1][1].

A ce jour, 20 écrivains et journalistes croupissent dans des prisons turques pour avoir usé de leur droit à la liberté d'expression. Il s'agit de : 1) M. İbrahim ÇİÇEK, écrivain-journaliste et éditeur responsable de l'hebdomadaire Atılım ; 2) M. Sedat ŞENOĞLU, écrivain-journaliste et coordonateur d'édition de l'hebdomadaire Atılım ; 3) Mme Füsun ERDOĞAN, coordonatrice générale des émissions de la radio libre (Özgür Radyo); 4) M. Ziya ULUSOY, journaliste à l'hebdomadaire Atılım ; 5) M. Bayram NAMAZ, journaliste à l'hebdomadaire Atılım ; 6) Mme Hatice DUMAN, directrice et propriétaire de l'hebdomadaire Atılım ; 7) M. Behdin TUNÇ, correspondant de l'agence DİHA ; 8) M. Faysal TUNÇ, correspondant de l'agence DİHA ; 9) M. Ali BULUŞ, correspondant de l'agence DİHA ; 10) M. Mehmet KARAASLAN, employé administratif du quotidien Gündem ; 11) M. Mahmut TUTAL, employé administratif du quotidien Gündem ; 12) M. Erol ZAVAR, directeur et propriétaire de l'hebdomadaire Odak ; 13- M. Mustafa GÖK, correspondant de l'hebdomadaire Ekmek ve Adalet ; 14) M. Barış AÇIKEL, Editeur responsable et propriétaire de l'hebdomadaire İşçi Köylü Gazetesi ; 15) M. Mehmet BAKIR, ancien éditeur responsable de l'hebdomadaire Güney Dergisi; 16) M. Erdal GÜLER, ancien directeur de Devrimci Demokrasi Gazetesi ; 17) M. Hasan ÇOŞAR, écrivaine de l'hebdomadaire Atılım ; 18) Mme Mine ÖZALP, ancien-employé administratif de la radio libre (Özgür Radyo);19) M. Murat COŞKUN, auteur du livre « Acının Dili Kadın » ; 20) M. Mehmet Ali VARIŞ, éditeur ;21) Mme. Nadiye GÜRBÜZ coordinatrice d'édition de la radio libre (Özgür Radyo); 22) M. Abdurrahman GÖK, correspondant de l'agence DİHA ; 23) M. Şafak GÜMÜŞSOY, ancien- éditeur responsable de l'hebdomadaire Mücadele Birliği.

Durant l'année 2008, 2’641 personnes ont été traduites en justice ; 22 événements publics (manifestations, concerts, projections de films, pièces de théâtre, fêtes, conférences, etc.) ont été interdits ; plus de 40 titres (livres, journaux, périodiques, etc.) ont été saisis ; 45 titres (journaux et périodiques) et une chaîne de télévision ont été interdits de publication et d'émission ; les locaux de 11 média (journaux et périodique en particulier, mais aussi une chaîne de télévision et une entreprise de diffusion) ont subis une descente de police[2][2].

 

Le Forum économique mondial (World Economic Forum-WEF) ne s'est-il pas récemment indigné que, dans le classement de la liberté de la presse sur 134 pays, la Turquie figure en 106ème place après l'Albanie, le Cameroun, le Sénégal et la Tanzanie[3][3].

 

S'agissant du Rapport 2008 de Reporters sans frontières (RSF) portant sur 173 pays, la Turquie est classée au 102ème rang[4][4]. Si RSF fustige l'article 301 de l'article du Code pénal turc (CPT) fréquemment utilisé pour brider la liberté d'opinion et d'expression, le CPT contient une quinzaine d'autres articles[5][5] utilisés alternativement à cet article.

 

Quant à la Cour européenne des droits de l'homme, elle a condamné en 2008 la Turquie à un total de 93'680 euros d'amendes à verser à 27 personnes pour avoir violé leur droit à la liberté d'expression[6][6].

 

Outre les journalistes et écrivains, selon les chiffres officiels, il y aurait 5’672 prisonniers politiques en Turquie.

 

Plus récemment, le 14 avril 2009, une vaste opération d'arrestations a été lancée en Turquie contre les militants du Parti pour une Société Démocratique (DPT), lequel vient de remporter une large victoire aux dernières élections municipales du 29 mars 2009 dans le Kurdistan turc. Comme l'indique le Président du DTP M. Ahmet Türk : « Cette opération est une démonstration claire de l'incapacité du gouvernement [turc] à accepter le résultat des élections... ».

A la botte des militaires, le gouvernement criminalise toute opposition : à deux reprises la semaine dernière, les milieux kurdes ont été la cible d’arrestations policières. Des opérations menées par la brigade antiterroriste dans 15 provinces kurdes de la Turquie se sont soldées par l’arrestation de 51 personnes. Plusieurs des vice-présidents ou responsables du DTP ont été arrêtés, mais aussi le rédacteur en chef d’une chaîne de télévision locale (Gün TV), ainsi que trois avocats d’Abdullah Öcalan, le leader du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) emprisonné sur l’île d’Imrali.

Tout au long des 86 ans d’existence de la République turque, ses dirigeants successifs ont transformé leur pays en un cimetière des civilisations et un enfer pour les peuples qui y vivent.

 

En effet, la Turquie dite « moderne », dirigée par des kémalistes, a artificiellement fabriqué l’identité turque par la réduction en servitude et la négation de l’identité des peuples dominés, puis par une prétendue supériorité turque de la « race ». Cette pensée fascisante a conduit le pays à d’abominables crimes de masse tels que :

 

· Le génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéens (1915-1917) 1,5 million d'Arméniens ont été massacrés par l'armée turque entre 1915 et 1917

· Le massacre des Kurdes, Alévis et Kizilbachs de Koçkiri (1919-1921)

· L’expulsion brutale de 1.2 million de Grecs (1923-1924)

· Le massacre des Kurdes et des Assyriens après la révolte de Sheikh Said (1925-1928)

· Les massacres des Kurdes, Alévis et Kizilbachs de Dersim 40'000 morts et 12'000 personnes déplacées (1935-1938)

· Les lois iniques et les déportations d’Arméniens, de Juifs, de Grecs (1942)

· Les pogroms d’Istanbul et d’Izmir contre les Grecs, les Arméniens et les Juifs (1955)

· La guerre contre les Kurdes - depuis 1984 à ce jour, plus de 40'000 kurdes ont perdu la vie

· Des massacres, des exécutions sommaires, des pendaisons, des pratiques systématiques de la torture, des conditions de détention inhumaines, des déplacements forcés ... de millions de personnes suite aux coups d'Etat militaire de 1970, 1978 et 1980

· Le massacre de 36 manifestants lors de la célébration du 1er mai 1977

· Les massacres de 102 personnes en 1978 à Kahramanmaraş et 7 étudiants le 16 mars 1978 à Beyazıt (İstanbul)

· Le massacre de 50 personnes le 5 juillet 1980 à Çorum

· Le massacre de 37 intellectuels le 2 juillet 1993 à l'hôtel Madımak à Sivas

· Les massacres dans les prisons : 3 détenus de Buca (21 septembre 1995), 3 prisonniers à Ümraniye (4 janvier1996), 10 prisonniers Diyarbakır (24 septembre 1996), 10 prisonniers Ulucanlar (26 septembre 1999) et 28 prisonniers politiques abattus et des centaines de blessés dans plusieurs autres simultanément avec l'opération intitulée « Retour à la vie » (19- 21 décembre 2000)

· Du 20 octobre 2000 au 22 janvier 2007 grève de la faim jusqu’à la mort ; 94 personnes dont des prisonniers politiques et leurs proches sont mortes dans le cadre de cette grève de la faim et de son soutien, dans et hors des prisons. 600 personnes environ sont soit au bord de la mort, soit dans des états physiques et mentaux gravement détériorés. Les prisonniers protestaient contre le plan du Gouvernement prévoyant leur transfert forcé dans des prisons à cellule d’isolement dite de « type F », ainsi que contre les tortures, la répression et la législation prétendument « antiterroriste » de l’Etat turc qui bafoue les règles démocratiques minimales.

· La destruction de 3848 villages kurdes et les déplacements forcés de trois à quatre millions de paysans kurdes entre 1989 et 1998.

 

Il est évident qu'une invitation au Salon international du livre et de la presse de Genève est du «pain béni» pour les autorités turques. Cela leur permet de se refaire une virginité.

 

Ces dernières ont d'ailleurs profité de cette occasion pour organiser « Les Journées du cinéma turc » qui aura lieu également à Genève, à la Maison des arts du Grütli (CAC Voltaire), du jeudi 23 avril 2009 au mercredi 13 mai 2009. A ce propos, les autorités turques ont poussé le cynisme et l'impudence à l'extrême, car parmi les auteurs des films programmés figurent des personnages tel que Yılmaz Güney qui a été persécuté de son vivant et a dû s'exiler à Paris où il est décédé en 1984 !

 

Nous nous interrogeons sur la motivation des autorités suisses et genevoises de prendre une telle initiative. Tout soutien à ce genre de manifestation ne revient-il pas à cautionner les violations des droits humains ?

 

C'est pourquoi, nous appelons
tous les démocrates et tous défenseurs
des droits de l'homme à
boycotter

ces manifestations qui ne visent
qu'à camoufler le vrai visage de la Turquie.

 

Genève le, 21 Avril 2009



 

 


2. Cf. Rapport annuel 2008 de l'Association des droits de l'homme de Turquie (IHD)

 

4. Cf. Rapport 2008 du RSF (http://www.rsf.org/IMG/pdf/rapport_fr-2.pdf)

 

5. Cf. Communiqué de presse (en anglais) de la Fondation turque des droits de l'homme (TIHV), www.tihv.org.tr/tihve/index.php?option=com_content&vi...

 

Maison du peuple de Genève

Demir SÖNMEZ

www.assmp.org

 

assmp@assmp.org

Les commentaires sont fermés.